Conseil d’Etat, 21 octobre 2019, Société Alliance, n°419155

L’imprévision, pour donner droit à une indemnisation, en cas de déficit d’exploitation, doit renvoyer à un événement imprévisible, indépendant de l’action du cocontractant et ayant entraîné un bouleversement de l’économie du contrat. Il s’agit de la charge extracontractuelle que l’interprétation raisonnable du contrat permet de faire supporter au concédant au profit du concessionnaire. Cette indemnité est déterminée en fonction des autres facteurs, contribuant au bouleversement du contrat, celle ci ne pouvant être versée qu’en compensation de la part de déficit lié aux seules circonstances imprévisibles.

Dans cet arrêt, l’Etat avait conclu, en décembre 2004, une concession de service public pour la gestion du service de desserte maritime en fret de Saint-Pierre et Miquelon avec la société Alliance. En septembre 2008, le Préfet a pris deux arrêtés de réquisition pour assurer la continuité du service puis a prononcé la résiliation de la convention aux torts de la société.

Le Tribunal administratif de Saint Pierre de Miquelon, saisi, a annulé le dernier arrêté prononçant la déchéance du contrat et, sur la demande d’indemnité d’imprévision, formée par la société concessionnaire, du fait d’une diminution du trafic du fret constaté au niveau international, il a désigné un expert, avant dire droit, pour déterminer les causes des difficultés financières de la société Alliance et si cette diminution du trafic était un événement extérieur ayant empêché le délégataire d’équilibrer ces ressources. Par un second jugement, il a prononcé la résiliation de la convention et rejeter les demandes indemnitaires de la société. Ce jugement a été confirmé en appel.

Le Conseil d’Etat, dans l’examen de cette affaire a d’abord rappelé les trois conditions justifiant le versement d’une indemnité d’imprévision en raison d’un déficit d’exploitation (le déficit doit renvoyer à un événement imprévisible, indépendant de l’action du cocontractant et ayant entraîné un bouleversement de l’économie du contrat).

Toutefois, il précise que le concessionnaire est en droit de réclamer au concédant une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle que « l’interprétation raisonnable du contrat » permet de lui faire supporter. Autrement dit, il apparaît que l’indemnisation est liée à l’interprétation pouvant être faîte du contrat : il est donc conseillé aux parties, de prévoir des clauses spécifiques dans les contrats, concernant cette indemnisation.

En outre, le Conseil d’Etat rappelle que cette indemnité est calculée en tenant compte des autres facteurs qui ont contribué au bouleversement de l’économie du contrat, l’indemnité d’imprévision ne pouvant venir qu’en compensation de la part de déficit liée aux circonstances imprévisibles.

Il rejette en l’espèce la demande d’indemnité d’imprévision au motif que les critères de la théorie de l’imprévision ne sont pas remplis. Le déficit de la société requérante est lié principalement à deux facteurs : la fragilité financière initiale de la société, qui n’était ni imprévisible ni extérieure et la mauvaise appréciation du volume du fret maritime au moment de la conclusion du contrat qui n’était, de même, pas imprévisible.

Il reconnait qu’il puisse exister une part qui correspondrait bien à un événement imprévisible et extérieur, cependant cette part est trop faible pour être considéré comme bouleversant l’équilibre économique du contrat.