Dans cette période de crise, la question de l’instruction des demandes d’autorisations en matière d’urbanisme s’est très rapidement posée aux services instructeurs, face à la difficulté de poursuivre ce travail dans des conditions satisfaisantes. Certaines communes ont rapidement souhaité prendre des mesures, localement, en édictant des arrêtés de suspension, « pour cause de force majeure ou de circonstances exceptionnelles », de l’instruction des autorisations d’urbanisme, même si la légalité de telles décisions était contestable.

L’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a permis de rapidement clarifier la situation, même si quelques incertitudes demeurent.

Les dates ci-dessous mentionnées restent évidemment susceptibles d’être modifiées, en fonction de la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, fixée aujourd’hui au 24 mai 2020 et de l’évolution de la situation.

Sur les délais de recours

Les délais de recours sont, de droit, prorogés, et ne commenceront à courir qu’à compter d’un délai de 1 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire (24 mai 2020), soit le 24 juin 2020. Ainsi, un permis de construire affiché entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, pourra être contesté dans les deux mois suivant cette date, donc jusqu’au 25 août 2020.

Sur les délais d’instruction

L’article 7 de l’ordonnance prévoit que « les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis (…) peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er » (soit le 24 juin 2020 compris). Le point de départ de ces délais est ainsi reporté au 25 juin 2020. Le même régime s’applique aux délais impartis à l’administration « pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ».

Ainsi :

  • pour les instructions en cours au 12 mars 2020, le délai restant recommencera à courir le 25 juin 2020,
  • pour les instructions qui auraient dû débuter à compter du 12 mars 2020, le point de départ de l’instruction, ne commencera à courir que le 25 juin 2020.

Ainsi, les délais d’instruction sont bien suspendus, et donc aucune décision tacite en matière d’autorisation de construire ne peut naître durant cette période s’achevant le 24 juin à minuit.

Peut-on néanmoins poursuivre l’instruction ?

Reste une question qui n’apparait pas avoir été tranchée : cette suspension de droit des délais d’instruction interdit-elle aux collectivités, dont l’organisation le leur permettrait, de poursuivre l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme et de délivrer, ou de refuser, expressément des autorisations d’urbanisme durant cette période de « suspension » ?

L’Association des Maires de France (AMF), dans une note du 26 mars 2020, considère pour sa part que « si la collectivité est en capacité de rendre des décisions expresses, elle peut tout à fait poursuivre l’instruction des demandes d’autorisation, et procéder comme habituellement en notifiant leurs décisions aux personnes concernées », alors que les acteurs du bâtiment et de la promotion immobilière estiment, pour leur part, que cette suspension interdit la poursuite ou la mise en œuvre de l’instruction de ces demandes d’autorisations.

Il serait important que le Gouvernement vienne rapidement clarifier ce point, et dans l’attente de cette clarification, il apparait prudent de différer la prise de décisions, d’autorisation ou de refus, afin de ne pas fragiliser juridiquement ces décisions, dans un contexte juridique déjà particulièrement incertain