Par un arrêté du 26 décembre 2019, le préfet de la Haute-Savoie a autorisé, sur le fondement de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, un projet de centrale hydroélectrique sur la rivière de la Sallanche, permettant d’alimenter en électricité jusqu’à 2 800 foyers, soit environ 15 % de la population de la commune de Sallanches (74).

Problème : la Sallanche est un cours d’eau classé au titre du 1° de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, c’est-à-dire parmi les cours d’eau « jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l’atteinte du bon état écologique des cours d’eau d’un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire », et sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent « un obstacle à la continuité écologique ».

L’article R. 214-109 du code de l’environnement précise ce qu’il faut entendre par « ouvrage constituant un obstacle à la continuité écologique » :

« Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l’article L. 214-17 et de l’article R. 214-1, l’ouvrage entrant dans l’un des cas suivants :

1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu’il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ;

2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;

3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;

4° Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques »

Saisi par l’association France Nature Environnement AURA, le Tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 6 décembre 2022, annulé l’arrêté d’autorisation IOTA du 26 décembre 2019, en jugeant que le projet de centrale hydroélectrique sur la Sallanche entrait dans les prévisions du 4° de l’article R. 214-109 du code de l’environnement, c’est-à-dire qu’il était de nature à affecter substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques.

La Cour Administrative d’Appel de Lyon (CAA Lyon, 14 mai 2025, n° 23LY00401) vient de censurer ce jugement, au terme d’une analyse détaillée des caractéristiques du projet et de ses impacts sur l’hydrologie du cours d’eau.

En premier lieu, la Cour relève que le débit réservé (ie le débit minimal restant dans le lit naturel de la rivière entre la prise d’eau et la restitution des eaux en aval de la centrale) est passé de 50 l/s à 80 l/s au cours de la conception du projet, ce qui correspond au double du débit minimum biologique fixé en application de l’article L. 214-18 du code de l’environnement pour ce cours d’eau.

Ensuite, la Cour relève que, si l’agence française de la biodiversité (AFB) a estimé que le projet engendrerait une « réduction de 53 % de l’hydrologie de la réserve biologique », les autres pièces du dossier ne permettent pas de l’établir, alors qu’au demeurant l’AFB n’a pas pris en considération l’existence de dix points d’apport d’eau à la Sallanche et non court-circuités, recensés à l’aval de la prise d’eau, permettant de réduire naturellement l’impact hydrologique du projet.

Autre élément important : la commission locale de l’eau, saisie pour avis dans le cadre de l’instruction du projet, a rendu un avis favorable, alors même que le projet prévoyait alors un débit réservé de 50 l/s.

Enfin, et surtout, la Cour relève que l’arrêté d’autorisation prévoit de nombreuses prescriptions, « dont l’aménagement de quatre seuils de la zone urbanisée de Sallanches, qui doivent permettre la constitution d’un réservoir biologique important pour réalimenter l’Arve en permettant leur franchissement par les petites espèces benthiques, et qu’un suivi de l’hydrologie est prévu sur une durée de cinq ans avec une éventuelle réévaluation du module à la hausse comme à la baisse permettant l’ajustement du débit réservé ».

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Cour juge que le projet de centrale hydroélectrique sur la Sallanche n’est pas de nature à affecter substantiellement l’hydrologie du réservoir biologique.

Un nouvel exemple de conciliation entre préservation de la continuité écologique des cours d’eau et développement de l’hydroélectricité.

Hugo Bellettre