Le Conseil d’Etat précise le champ d’application de sa jurisprudence « Czabaj »: un recours contentieux contre une décision, sans mention des voies et délais de recours, doit être présenté dans un délai raisonnable d’une durée d’un an.

Conseil d’État, 9 mars 2018, Société Sanicorse contre Communauté d’agglomération du Pays Ajaccien, n° 401386.

 Conseil d’État, 9 mars 2018, Communauté de communes du Pays Roussillonnais, n° 405355.

Dans le cadre du premier arrêt (n°401386), la Communauté d’agglomération du Pays Ajaccien, a, par un contrat qualifié de contrat administratif (TC, 9 décembre 2013, n°3929) autorisé la société Sanicorse à déposer des déchets d’activité de soins sur le site d’une décharge publique moyennant le versement d’une redevance.

Dans le cadre de ces relations contractuelles, la Communauté d’agglomération du Pays Ajaccien a unilatéralement décidé de certaines modifications tarifaires. Ces dernières ont été contestées par la société Sanicorse, ce qui a conduit la Communauté à émettre des titres exécutoires.

Saisi de ce litige, le Conseil d’État vient rappeler les principes découlant de la jurisprudence Czabaj – soulignant, au passage, qu’il appartient au juge administratif d’en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits soumis à son appréciation – et l’applique au contentieux des titres exécutoires.

Le Conseil d’État considère que, sauf circonstance particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable, pour contester un titre exécutoire, ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

Plus novatrice est la précision du Conseil d’État s’agissant de la combinaison de cette jurisprudence avec la saisine d’une juridiction incompétente, en l’espèce, le juge judiciaire. Dans une telle situation, le Conseil d’État précise que le débiteur qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. Un nouveau délai de deux mois est décompté à partir de la notification ou de la signification du jugement par lequel la juridiction judiciaire s’est déclarée incompétente.

Dans le cadre du second arrêt (n°405355), le Conseil d’État vient appliquer sa jurisprudence Czabaj au contentieux indemnitaire, et plus précisément aux décisions expresses purement pécuniaires de plus d’un an, ce qui a pour effet de paralyser le recours indemnitaire.

En l’espèce, la Communauté de Communes du Pays roussillonnais demandait la condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité en réparation des préjudices financiers subis du fait des décisions préfectorales minorant ses dotations de compensation.

Pour la demande indemnitaire relative à l’année 2012, le Conseil d’État va appliquer la jurisprudence Czabaj et en conclure que cette dernière est irrecevable car formulée plus d’un an après que la Communauté ait eu connaissance de la décision préfectorale ayant minoré sa dotation de compensation.

Ce faisant, en se fondant sur la jurisprudence Czabaj, le Conseil d’État vient appuyer la solution qu’il avait dégagé en 1959, aux termes de laquelle l’expiration du délai permettant d’introduire un recours en annulation contre une décision expresse, dont l’objet est purement pécuniaire, fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée (Conseil d’État, 2 mai 1959, Ministre des finances c. Lafon, Lebon 1959 page 282).

Autrement dit, le recours contentieux contre le rejet, explicite ou implicite, qui interviendrait à la suite d’une demande indemnitaire, et qui ne mentionnerait pas les voies et délais de recours, ne saurait, sauf circonstances particulières, être recevable plus d’un an à compter du jour où le destinataire en a eu connaissance.