Par un arrêt du 26 juin 2023, le Conseil d’Etat est venu affiner les conditions permettant d’apprécier si un bien peut être considéré comme un déchet au sens du Code de l’environnement. 

CE, 26 juin 2023, req. n°457040

L’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement définit le déchet comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ». Or, aux termes de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, tel qu’interprété par le Conseil d’Etat (CE, 11 janvier 2007, req. n°287674), une police spéciale, distincte de celle concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, confère au maire la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour éliminer les déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présentent un danger.

S’agissant plus précisément des biens se trouvant sur une propriété privée, ce pouvoir de police spéciale permet au maire de contraindre un particulier à retirer des déchets entreposés sur son terrain même s’ils ne sont pas visibles depuis la voie publique. C’est ce qu’avait précisé la Cour administrative d’appel de Nantes, dans la même affaire que celle objet du pourvoi ici commenté (CAA Nantes 5 mars 2021, n°20NT01183, et notre commentaire).

En l’espèce, le propriétaire de plusieurs parcelles entreposait divers objets plus ou moins dégradés sur sa propriété. A la suite de signalement de ses voisins et au regard des risques d’atteinte à la salubrité publique, le maire de la Commune l’a sommé d’évacuer ces biens, qualifiés de déchets, dans un délai de quinze jours, sans succès. Par un arrêté du 6 décembre 2017, le maire a prononcé à son encontre une astreinte d’un montant journalier de 50 euros, dans la limite du montant de 8 400 euros correspondant au coût évalué de l’évacuation des déchets.

Le propriétaire faisait valoir que ces biens ne pouvaient être qualifiés de déchets dès lors qu’ils avaient de la valeur et qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’un abandon. En outre, il affirmait son intention d’en faire une utilisation ultérieure.

Rappelant sa jurisprudence antérieure (applicable aux déchets issus des ICPE, voir CE, 24 novembre 2021, req. n°437105), le Conseil d’Etat précise d’abord que :

« Un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement […] est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. »

Il ajoute à ce rappel un « mode d’emploi » de l’identification de déchets :

« Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat applique cette méthodologie pour valider le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Nantes et retenir la qualification de déchets afin de rejeter le pourvoi :

« Pour juger que les objets accumulés par M. B…, sur un terrain lui appartenant, lequel contestait les avoir abandonnés, pouvaient être regardés comme des déchets au sens des dispositions mentionnées au point 2, la cour administrative d’appel a relevé que le terrain était recouvert de très nombreux objets hétéroclites et usagés et précisé qu’il n’était pas établi qu’ils pourraient faire l’objet, sans transformation préalable, d’une utilisation ultérieure. Elle a ainsi caractérisé la situation d’abandon de biens dont, eu égard à leur état matériel, leur perte d’usage et aux modalités de leur dépôt, le détenteur, quoiqu’il les ait laissés entreposés sur un terrain lui appartenant, peut être regardé comme s’en étant effectivement défait, en leur donnant ainsi le caractère de déchets, après avoir pris en compte la circonstance que leur réutilisation sans opération de transformation préalable n’était pas suffisamment certaine. En jugeant, dès lors, que les objets se trouvant sur la propriété de M. B… devaient être regardés comme des déchets, la cour administrative d’appel qui n’a pas commis d’erreur de droit, n’a pas donné aux faits rappelés au point précédent une inexacte qualification juridique. »