Il résulte de l’article L. 2122-22, 16° du Code général des collectivités territoriales (CGCT) que le Conseil municipal peut légalement déléguer au maire, pendant la durée de son mandat, le droit d’ester en justice pour l’ensemble du contentieux de la commune.

Cass. Crim., 4 avril 2023, n° 22-83.613

Le Maire est le représentant de la commune. A ce titre, il lui revient de la représenter dans tous ses actes juridiques et notamment dans ses actions en justice (article L 2122-21 8° du CGCT). Toutefois, le mandat de Maire n’emporte pas en lui-même l’habilitation à agir en justice pour le compte de la Commune. En effet, l’article L.2132-1 du CGCT dispose que « sous réserve des dispositions du 16° de l’article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ».

En outre, en vertu de l’article L. 2122-22 16° du CGCT, le Maire peut, par délégation du Conseil municipal, être chargé, en tout ou partie et pour la durée de son mandat, d’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal.

Néanmoins, l’étendue de cette délégation à fait l’objet de différentes appréciations, parfois contraires, par les juridictions tant administratives que judiciaires.

En effet, s’agissant des juridictions administratives, le Conseil d’Etat a considéré, dès 1988, que le texte de la délibération n’avait plus à définir les cas dans lesquels le maire peut agir et qu’il peut se contenter d’une formule générale du type « dans les cas définis par le conseil municipal » ou encore  « pour tout contentieux intéressant la commune » (CE, 27 juillet 1988, n° 81698, Epoux Gohin ; CE, 4 mai 1998, Mme de Verteuil, n°188292).

Bien plus, le Conseil d’Etat à très tôt accepté qu’un Maire puisse former une action en référé devant le juge administratif sans disposer ni de l’autorisation, ni d’une délégation du Conseil municipal, compte tenu de la nature même du référé, qui ne peut être engagé qu’en cas d’urgence et qui ne permet de prendre que des mesures présentant un caractère provisoire (CE, 28 novembre 1980, Ville de Paris c/ Etablissements Roth, n° 17732 ; CE, 18 janvier 2001, Commune de Venelles, n° 229247).

Par ailleurs, malgré cette évolution actée par les juridictions administratives accordant une souplesse remarquable quant à la mise en œuvre de l’article L. 2122-22 16° susmentionné, l’ordre judiciaire avait quant à lui jusqu’à présent persisté à considérer que cette délégation ne pouvait se borner à viser ou à reproduire cet article sans définir précisément les contentieux pour lesquels le Maire avait reçu délégation ou sans indiquer expressément que la délégation concernait l’ensemble du contentieux de la Commune.

Ainsi, en cas de contentieux, la production d’une délégation qui ne visait pas expressément le droit octroyé au Maire de se constituer partie civile pour la Commune rendait une telle action irrecevable.

Toutefois, par un arrêt du 4 avril 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est finalement résignée à aligner sa position sur celle des juridictions administratives.

En l’espèce, la Cour d’appel de Bourges avait jugé irrecevable la constitution de partie civile d’une Commune au motif que les délibérations produites se bornaient à reproduire les dispositions légales de manière générale sans spécifier les affaires pour lesquelles le Maire a une délégation pour agir en justice.

La Cour de cassation a ainsi invalidé le raisonnement de la Cour en considérant que : « En se déterminant ainsi, alors que les délégations produites autorisaient le maire à intenter au nom de la commune, par voie d’action ou d’intervention, toute action en justice quelle que soit sa nature ou à défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle, ceci devant l’ensemble des juridictions administratives, civiles et pénales, ainsi que devant toutes les juridictions sans exception, en charge de contentieux spécialisés, aussi bien en première instance qu’en appel ou en cassation, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé».

Une évolution qui vient indéniablement conforter l’action des collectivités, notamment en matière de constitution de partie civile afin de faire valoir leurs droits en cas d’atteinte aux intérêts locaux.

Mehdi SAHRAOUI