Eu égard à la densité particulière des communes de Lyon et de Villeurbanne, de plus de 10 000 habitants par kilomètres carrés, et à leurs caractéristiques, le préfet du Rhône pouvait légalement rendre obligatoire sur l’ensemble du territoire de ces communes, le port du masque dans le respect du souci de cohérence nécessaire à l’effectivité de la mesure prise, sans qu’il y ait une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale en n’excluant pas certaines périodes horaires, qui ne pourraient être que sur une période nocturne d’un intérêt très limité.

Conseil d’Etat, 6 septembre 2020, n° 443751

Par deux arrêtés du 31 août 2020, pris sur le fondement du II de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfet du Rhône, a imposé le port du masque, à compter du 1er septembre 2020 à 8 heures et jusqu’au 15 septembre 2020 inclus, à toute personne d’au moins onze ans sur la voie publique et dans l’ensemble des lieux ouverts au public, sur le territoire des communes de Lyon et Villeurbanne.

Par une ordonnance du 4 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de modifier ses arrêtés ou d’édicter de nouveaux arrêtés afin, d’une part, que soient exclues des zones de port du masque obligatoire, les lieux n’étant pas caractérisés par une forte densité de population ou concernées par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus SARS-CoV-2 et, d’autre part, que l’obligation de port du masque soit exclue pendant des périodes horaires durant lesquelles il n’existe aucun risque particulier de propagation de ce virus. Le juge des référés avait laissé au Préfet jusqu’au mardi 8 septembre 2020 à 12 heures, pour adopter les mesures en conséquence. A défaut, l’exécution des arrêtés du 31 août 2020 serait suspendue à compter de cette échéance. Le ministre des solidarités et de la santé a interjeté appel de l’ordonnance du 4 septembre 2020.

Le Conseil d’Etat confirme tout d’abord que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’accélère de nouveau depuis le mois de juillet, que cette situation impose aux pouvoirs publics de prendre les mesures adaptés pour contenir la propagation de l’épidémie.

Il relève également que le port du masque, qui ne présente pas de risque particulier pour les personnes qui le portent, est efficace pour réduire le risque de contamination par le SARS-CoV2. Par ailleurs, le Haut Conseil de la santé publique recommande, dans un avis du 20 août 2020, de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d’une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie.

Le juge des référés souligne également que la simplicité et la lisibilité d’une obligation, comme celle de porter le masque, sont nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les habitants. Il est donc justifié que le port du masque soit imposé dans des périmètres suffisamment larges pour englober de façon cohérente les zones à risque, afin que les personnes qui s’y rendent connaissent facilement la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie. Pour la même raison, les horaires de l’obligation peuvent être définis de façon uniforme pour toute une commune voire pour l’ensemble d’un département.

Le juge des référés relève, enfin, que la délimitation des zones et horaires dans lesquels le port du masque est obligatoire doit tenir compte de la contrainte que cela représente pour les habitants, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.

Dans ces conditions, le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de modifier ses arrêtés ou d’édicter de nouveaux arrêtés excluant de l’obligation du port du masque tous les lieux des communes de Lyon et de Villeurbanne qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de personnes ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus, ainsi que les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation du virus n’existe. En revanche, eu égard à l’étendue du territoire concerné, l’association requérante est fondée à soutenir qu’une telle obligation ne peut manifestement pas être imposée aux personnes pratiquant des activités physiques ou sportives.

Cette décision doit toutefois être mise en parallèle avec l’ordonnance rendue le même jour, par laquelle le Conseil d’Etat, s’agissant d’un arrêté préfectoral similaire du préfet du Bas-Rhin, a estimé que, dans certaines communes moins densément peuplées et dont le centre-ville est facile à délimiter, le port du masque ne peut être imposé sur l’ensemble du territoire.