Le Syndicat Jeunes Médecins avait saisi le Conseil d’Etat, dans le cadre d’un référé-liberté aux fins d’injonction au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé de :

> prononcer un confinement total de la population par la mise en place de mesures visant à :
– l’interdiction totale de sortir de son lieu de confinement sauf autorisation délivrée par un médecin pour motif médical ;
– l’arrêt des transports en commun ;
– l’arrêt des activités professionnelles non vitales (alimentaire, eau et énergie, domaines régaliens) ;
– l’instauration d’un ravitaillement de la population dans des conditions sanitaires visant à assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement ;

> de prendre les mesures propres à assurer la production à échelle industrielle de tests de dépistage et de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage des personnels médicaux.

Par une ordonnance en date du 22 mars 2020 (n°439674), le Conseil d’Etat a considéré :

> S’agissant des mesures de confinement total, que celles-ci pourraient, notamment, engendrer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie. De même, la poursuite des transports en commun, dans des conditions adaptées, apparaît nécessaire à la continuation des activités indispensables (personnels de santé, production et distribution de l’alimentation). Le juge écarte donc toute carence grave et manifestement illégale du Premier ministre.

> S’agissant du dépistage, que les conclusions du Syndicat Jeunes Médecins devaient être rejetées dans la mesure où, d’une part, la limitation, à ce jour, des tests aux seuls personnels de santé présentant des symptômes du virus résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels et, d’autre part, les autorités ont pris les dispositions avec l’ensemble des industriels en France et à l’étranger pour augmenter les capacités de tests dans les meilleurs délais.

> S’agissant du renforcement des mesures actuelles, que « si l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une telle carence, celle-ci est toutefois susceptible d’être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné ».
Le juge relève alors l’ambiguïté de la portée des dispositions suivantes :
– l’autorisation, sans autre précision quant à leur degré d’urgence, les « déplacements pour motif de santé »,
– l’autorisation des « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie » apparait trop large, notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le « jogging »,
– le fonctionnement des marchés ouverts, sans autre limitation que l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes dont le maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale.

Le juge relève, ensuite, que les pouvoirs publics ont l’obligation de mettre en place les mesures d’organisation et de déploiement des forces de sécurité de nature à permettre de sanctionner sur l’ensemble du territoire les contrevenants aux arrêtés ministériels et au décret du 16 mars 2020. Il appartient également à ces mêmes autorités de s’assurer, dans les lieux recevant du public où continuent de s’exercer une activité, du respect des « gestes barrière » et de la prise des mesures d’organisation indispensables.

Enfin, le juge rappelle les pouvoirs de police des autorités de police locales (Préfets et Maires), lesquelles ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient.

Le juge rappelle également la nécessité de réitérer régulièrement les mesures prises et les sanctions encourues.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a enjoint au Premier ministre et au ministre de la santé, de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :
– préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé,
– réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement,
– évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

En réponse à cette injonction, le Gouvernement a adopté le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Ce décret fixe les mesures propres à garantir la santé publique face à l’épidémie de covid-19.

Le décret interdit tout déplacement de personnes hors de son domicile à l’exception de huit cas (sachant que tout regroupement de personnes doit être évité). Ce décret reprend les cas visés initialement par le décret du 16 mars 2020, mais vient apporter des précisions s’agissant de deux d’entre eux.

Sont ainsi autorisés :

– D’une part, les déplacements pour motifs de santé à l’exception des consultations et soins pouvant être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d’une affection de longue durée, de ceux qui peuvent être différés ;

– D’autre part, les déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie.

Etant précisé que les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent toujours se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions.

Rappelons, par ailleurs, que le représentant de l’Etat dans le département est habilité à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent.

Ce décret habilite également le Préfet à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les rassemblements, réunions ou activités lorsque les circonstances locales l’exigent (mesures de couvre-feu).

Ce décret entre en vigueur immédiatement.

Le Gouvernement a également adopté l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Cet arrêté fixe les mesures d’organisation et de fonctionnement du système sanitaire dans le cadre de l’épidémie de covid-19, dont, notamment :

– La distribution gratuite de masques de protection issus du stock national aux professionnels de santé,

– La délivrance de médicaments, dans le cadre d’un traitement chronique, lorsque la durée de l’ordonnance est expirée,

– La mise en place de la télésanté,

– Le recours à l’utilisation des moyens des armées.