L’Administration peut légalement transiger sur les droits d’un agent public, en concluant avec ce dernier une transaction visant à mettre fin au litige né de la décision admettant ce dernier à la retraite pour invalidité non imputable au service, alors même que la transaction inclue une clause de renonciation de l’agent à exercer ultérieurement un recours pour excès de pouvoir.

 Conseil d’Etat, 5 juin 2019, n°412732.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat « rapatrie » en droit administratif l’article 2044 du Code civil, relatif à la transaction, en en faisant une exacte application dans le cadre du litige qui lui était soumis.

En l’espèce, un fonctionnaire hospitalier se voit placer, suite à deux accidents, le premier étant reconnu imputable au service à l’inverse du second, en disponibilité d’office par décision du directeur du centre hospitalier en date du 16 septembre 2011.

Par décision du 30 mai 2013, le même centre hospitalier a admis l’intéressé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2012. L’intéressé a alors saisi, aux fins d’annulation de la décision du 30 mai 2013, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le 6 novembre 2014, au cours de l’instance, a été conclu un protocole transactionnel entre le requérant et le centre hospitalier visant d’une part, au versement d’une somme de 35 000 euros à l’intéressé de la part du centre hospitalier, et d’autre part, à son renoncement à exercer toutes instances et actions passées, présentes ou à venir, trouvant leur fondement dans la formation, l’exécution ou la rupture des relations de travail ayant existé entre elles.

Le Tribunal administratif a d’abord fait droit, le 5 mai 2015, à l’intéressé en annulant la décision du 30 mai 2013. Le centre hospitalier a formé un pourvoi en appel devant la Cour administrative d’appel de Nancy, et en produisant le protocole transactionnel du 6 novembre 2014, lui a demandé de constater qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur la demande de l’intéressé.

La Cour administrative d’appel de Nancy a, le 23 mai 2017, rejeté cette demande au motif que « les agents publics ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d’ordre public instituées en leur faveur, telles les dispositions régissant l’admission à la retraite pour invalidité, de sorte qu’aucune transaction ne saurait faire obstacle au jugement d’un recours pour excès de pouvoir présenté par un fonctionnaire contre la décision prononçant son admission à la retraite. ».

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 5 juin 2019, a cassé cet arrêt d’appel en estimant que « Aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l’administration conclue avec un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant fait l’objet d’une décision l’admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, une transaction par laquelle, dans le respect des conditions précédemment mentionnées, les parties conviennent de mettre fin à l’ensemble des litiges nés de l’édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu’elle pourrait faire naître, incluant la demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette décision et celle qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité. ».

Il a également estimé que la transaction conclue le 6 novembre 2014 était équilibrée en prévoyant le versement d’une somme de 35 000 euros au requérant, et compte tenu de la nécessité de régler rapidement le litige, et des conséquences que l’annulation de la décision du 30 mai 2013 pourrait entraîner.