En matière d’implantation d’antennes relais, les opérateurs justifient de l’urgence à pouvoir implanter de nouveaux équipements par la nécessité, pour eux, de couvrir le territoire et de répondre ainsi aux obligations qui sont les leurs.
Le juge administratif, en cas de référé suspension contre des décisions de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable pour l’installation d’antennes relais, retiennent très souvent ce motif pour considérer que le critère de l’urgence est avéré ; on peut même dire que souvent les tribunaux administratifs considèrent cette urgence comme « présumée ».
La très récente ordonnance rendue par le Tribunal Administratif d’Amiens (TA Amiens, 3 juin 2025, n°2501353) est intéressante, car le Tribunal a écarté cette urgence en estimant que l’opérateur ne démontrait pas que l’implantation d’une nouvelle antenne relais présentait un caractère d’urgence au regard de la couverture du territoire en cause.
Dans cette affaire, la société Free mobile a saisi le Tribunal Administratif d’Amiens d’une demande de suspension d’un arrêté par lequel la commune de Château-Thierry a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l’édification d’une antenne relais sur son territoire.
Le Tribunal a rappelé qu’il lui appartient d’apprécier concrètement si l’exécution de la décision contestée doit être suspendue en raison d’une urgence, qui doit être appréciée objectivement et au regard de l’ensemble des circonstances de l’affaire.
Il a d’une part, constaté que le territoire de la commune de Château-Thierry bénéficie d’une couverture 5G suffisante, d’une part, au vu de la carte de couverture 5G disponible sur le site de l’opérateur, tout comme les données de l’ARCEP révèlent une couverture importante, et d’autre part, considéré que les zones non desservies, situation à laquelle le projet aurait permis de remédier, sont particulièrement limitées au regard de la surface de la commune, et ne concernent qu’une zone à dominante agricole et boisée, pratiquement dépourvue d’habitations, ainsi qu’une portion restreinte d’une voie départementale.
Il a également constaté que la couverture 4G/4G+, au regard de ces mêmes éléments, était satisfaisante.
Dès lors, malgré l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile et l’engagement de la société Free Mobile envers l’Etat, le juge des référés a jugé que le refus opposé au projet ne compromettait pas de manière grave et immédiate l’intérêt public et qu’ainsi le critère de l’urgence n’était pas rempli en l’espèce.
Il a également relevé que, selon les données de l’Agence Nationale des Fréquences au 1er avril 2025, 11 618 sites ont reçu une autorisation d’urbanisme, ce qui les rend susceptibles d’être exploités pour permettre à Free Mobile de satisfaire ses engagements pris envers l’Etat, et ce, indépendamment du projet en cause. Dès lors, bien que la société n’ait pas encore atteint l’objectif fixé par l’Etat, d’exploiter au moins 10 500 sites d’ici le 31 décembre 2025, le Tribunal a jugé que la société Free Mobile ne justifie pas que le refus opposé au projet litigieux porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts propres.
L’urgence en la matière ne se présume donc pas, il appartient à l’opérateur de la démontrer pour le territoire concerné et non pas seulement au regard de ses obligations sur le plan national.
Violetta GARIFULINA
Avocate collaboratrice