L’article L521-1 du Code de Justice Administrative prévoit deux conditions pour que la suspension d’une décision puisse être ordonnée en référé : « lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Toutefois, l’article L600-3 du Code de l’Urbanisme prévoit dans le cadre de recours exercés contre des autorisations d’urbanisme (DP, PC, PA) que : « La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite. »
Dans une très récente ordonnance (TA Bastia, 18 avril 2025, n° 2500506), le juge des référés du Tribunal Administratif de Bastia s’est employé, de manière didactique, à rappeler que les dispositions de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme fixent le principe selon lequel la condition d’urgence est seulement présumée et que, par conséquent, cette présomption peut être renversée.
Dans cette affaire, où le cabinet Itinéraires Avocats représentait le syndicat bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, plusieurs associations ainsi que des propriétaires fonciers avaient saisi le juge des référés aux fins d’obtenir la suspension de l’arrêté portant délivrance d’un permis de construire pour un centre de tri et de valorisation des déchets situé sur le territoire de la commune de Monte.
A l’appui de leur demande de suspension, les requérants faisaient notamment valoir que l’exécution du permis était de nature à entrainer des atteintes à la biodiversité et des pollutions par le transport des déchets, ainsi qu’un coût excessif.
Il était opposé en défense l’intérêt public du projet, lequel s’inscrivait d’une part, dans le cadre du plan territorial de prévention et de gestion des déchets de Corse, approuvé par l’Assemblée de Corse le 25 juillet 2024, et, d’autre part, dans un contexte de risque d’interruption du service public de collecte et de gestion des déchets ménagers à la fin de chaque été, conduisant les préfets de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud à prendre des arrêtés de réquisition des deux seuls centres d’enfouissement de déchets ménagers non dangereux existants en Corse.
Cet intérêt public devant être regardé comme constituant une circonstance particulière qui justifiait d’écarter la présomption d’urgence.
En effet, dans un arrêt du 26 mai 2021 (n° 436902), le Conseil d’Etat avait pu rappeler que cette présomption était « dépourvue de caractère irréfragable ». Dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 avril 2023 (n°460040), le rapporteur public, Monsieur Thomas Janicot, rappelait que « Ces conditions [particulières] peuvent notamment tenir à l’intérêt, public ou privé, qui s’attache à l’édification sans délai de la construction ».
En d’autres termes, il appartient au juge des référés d’apprécier objectivement et globalement l’urgence compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce et de s’interroger sur l’intérêt public ou privé qui s’attache au projet et à son exécution immédiate au regard des intérêts publics ou privés défendus par le requérant.
Dans sa décision du 18 avril 2025, le juge des référés a procédé à cette appréciation concrète et a considéré que :
« Dès lors, l’exécution du permis litigieux ne porte pas atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation des requérants ou aux intérêts qu’ils entendent défendre, au regard de l’intérêt public s’attachant à la création de ce centre. Il s’ensuit que les éléments apportés en défense sont de nature à renverser la présomption d’urgence prévue par l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme. »
Evelise PLENET
Itinéraires Avocats