La Cour administrative de Lyon a pris position de manière relativement inédite quant à l’utilisation des mesures visant à limiter la propagation de la brucellose au sein de la population de bouquetins qui affecte cette espèce protégée, notamment dans le massif du Bargy. La position de la CAA est inédite en ce qu’elle constitue un exemple du contrôle poussé du juge s’agissant de la destruction d’espèces protégées et de mesures les moins radicales possibles.

CAA de Lyon, 15 février 2023, n°21LY02822

Dans cet arrêt du 15 février 2022, une association de défense de l’environnement, à la suite du rejet de sa demande par le Tribunal administratif de Grenoble, a demandé à la Cour administrative d’appel de Lyon d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel le Préfet de la Haute-Savoie avait autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et ordonné l’abattage de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy.

Plusieurs éléments procéduraux étaient en cause en l’espèce, mais après les avoir écartés, la 3e chambre de la Cour administrative d’appel de Lyon s’est concentrée sur le fait de savoir si l’arrêté pris par le Préfet de la Haute-Savoie pouvait, d’une part, autoriser la capture et l’euthanasie de bouquetins malades de brucellose et, d’autre part, permettre l’abattage aléatoire de vingt bouquetins évoluant sur le massif du Bargy.

La Cour répond à certaines dérogations à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement prévues par l’article L. 411-2 du Code de l’environnement dans ses points 16 et 17, à savoir que la destruction d’une espèce protégée est possible si la dérogation ne nuit pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, mais également s’il n’y a pas d’autre solution satisfaisante.

Selon la Cour administrative d’appel de Lyon : « (…) la préservation de la santé publique et la nécessité de protéger les élevages de dommages importants peuvent justifier une dérogation à la protection des bouquetins des Alpes » (point 16) mais qu’en l’espèce :

« 17. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu’à défaut de pouvoir envisager une éradication de l’épidémie à court terme, les mesures ordonnées tendent à diminuer le nombre d’animaux infectés, afin de limiter la probabilité de contact entre un individu infecté et des animaux domestiques et d’atteindre un niveau d’infection suffisamment bas pour permettre une extinction naturelle de l’épidémie. Dès lors, si une mesure d’élimination sélective, consistant à euthanasier les individus testés séropositifs, apparaît comme la plus à même de parvenir à l’objectif poursuivi, tel n’est pas le cas de l’abattage indiscriminé de bouquetins, sans dépistage préalable. Ainsi, comparant un premier scénario d' » abattage indiscriminé en cœur de zone et [d]’élimination sélective en zone périphérique  » et un second d’  » élimination sélective dans le cœur de zone et de surveillance seule en périphérie « , l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a, dans son avis du 14 septembre 2017, estimé que ce second scénario permettait d’attendre des résultats identiques au premier, tout en préservant un plus grand nombre d’individus. (…) Enfin, si l’ANSES a précisé que le succès de ce second scénario suppose la mise en œuvre de moyens importants pour capturer un maximum d’animaux, le ministre en charge de l’environnement ne prétend pas que celui-ci ne serait pas raisonnablement réalisable. Dans ces conditions, et nonobstant l’avis favorable préalablement émis par le Conseil national de la protection de la nature, l’arrêté litigieux, en autorisant l’abattage indiscriminé de bouquetins sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose, ne retient pas la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée ».

La Cour considère donc que des mesures moins attentatoires à la population de bouquetins et à efficacité au moins égale à celles envisagées par l’arrêté, dans l’optique de réduction de la maladie, étaient possibles, comme le propose d’ailleurs l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Ainsi, dans cet arrêt la CAA de Lyon nous rappelle que la capture de bouquetins est tout à fait légale, néanmoins, au regard des dispositions des articles L. 411-1 du Code de l’environnement et L. 411-2 notamment, leur abattage doit être opéré à la seule condition qu’une identification de contamination à la maladie ait été préalablement effectuée. L’abattage ne doit pas être aléatoire et indifférencié.

L’arrêté du Préfet est donc annulé « en ce qu’il autorise, (…) l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose (point.18) ».

Léana LEGER