Dans une décision du 27 janvier 2023, le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les paragraphes I et III de l’article L. 632-2 du code du patrimoine relatifs à l’avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) et aux modalités de recours s’y attachant, concernant certains travaux aux abords de monuments historiques ou dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable (SPR).

Conseil constitutionnel, 27 janvier 2023, QPC n°2022-1032

Ces dispositions prévoient que les travaux situés dans le périmètre d’un SPR ou aux abords de monuments historiques soient soumis à l’accord de l’ABF. Lorsque cet avis est défavorable, il doit comporter une mention informative sur les possibilités et modalités de recours. Enfin, il est prévu par les textes, sans autre précision, que l’avis négatif de l’ABF peut faire l’objet d’un recours administratif à l’occasion du refus d’autorisation de travaux.

Le 31 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes I et III de l’article L. 632-2 du code du patrimoine. En effet, pour le requérant à l’initiative de la QPC, ces dispositions sont « nébuleuses » en ce qu’elles ne précisent pas les modalités de ce recours contre l’avis de l’ABF. Cette imprécision est selon lui constitutive d’une incompétence négative affectant le droit à un recours juridictionnel effectif, et méconnaissant de fait l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et de clarté de la loi.

Selon le requérant, la question qui se posait était de savoir si le recours devait obligatoirement être exercé avant l’introduction d’un recours contentieux contre le refus d’autorisation d’urbanisme, et donc si le recours administratif préalable conditionnait la recevabilité du recours contentieux.

A cette question, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n’avait pas à déterminer les conséquences de l’absence d’un recours administratif quant à la recevabilité du recours contentieux, lesdites conséquences devant être déterminée par le pouvoir réglementaire. En effet, le Conseil rappelle le principe et l’exception s’agissant de la répartition des compétences entre le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif, avant de l’appliquer en l’espèce et de confirmer la constitutionnalité des dispositions attaquées :

« 6. Il résulte toutefois des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi  […]

9. Ces dispositions sont relatives à la procédure administrative et ne mettent pas en cause l’exercice, par les administrés, du droit d’agir en justice. Ainsi, en ne déterminant pas lui-même les conséquences de l’absence d’exercice de ce recours administratif sur la recevabilité d’un recours contentieux, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence. Au demeurant, l’exigence d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité d’un recours contentieux, ne méconnaît pas le droit à un recours effectif tel qu’il résulte de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »

Ainsi, le Conseil constitutionnel nous éclaire sur le champ de compétence du pouvoir réglementaire dans la détermination des modalités de recours contre l’avis négatif de l’ABF.

Par ailleurs, la prudence reste de mise, car si les dispositions attaquées semblent donner une faculté au pétitionnaire d’exercer un recours préalable, à ce jour, le juge administratif considère qu’un tel recours conditionne effectivement la recevabilité d’un recours contentieux contre la décision de refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le périmètre d’un SPR ou dans les abords des monuments historiques. (Voir à cet égard :  Conseil d’Etat, 12 février 2014, n°359343)