Il appartient au maître d’ouvrage d’inscrire dans le décompte général les travaux ayant fait l’objet de réserves non-levées.

CE, 28 mars 2022, Commune de Sainte-Flaive-des-Loups, n°450477, aux Tables.

La Commune de Sainte-Flaive-des-Loups a lancé, en 2011, une procédure de passation d’un marché public de travaux composé d’un lot « démolition – gros œuvre » pour la transformation d’une grange en bibliothèque.

En juillet 2012, la réception des travaux a été prononcée, sous réserve de l’achèvement de certaines prestations. La société titulaire du projet a transmis un projet de décompte final à la Commune, mais cette dernière a refusé de lever les réserves et mis en demeure la société d’effectuer les travaux de reprise correspondants.

A la suite d’un nouveau projet de décompte final transmis par la société, faisant état d’un solde de 26 462,18€, la Commune a transmis en retour un décompte général faisant état d’un solde déduit d’une somme de 17 979,64€ pour les travaux correspondant aux réserves non levées.

La société a contesté ce décompte devant le Tribunal Administratif de Nantes qui a fait droit à sa demande et la Cour Administrative d’Appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la Commune.

En vue de régler l’affaire, le Conseil d’État rappelle deux points importants de sa jurisprudence relative à l’établissement du décompte.

Premièrement, le décompte général et définitif récapitule l’ensemble des éléments actifs et passifs résultant des obligations des cocontractants, ce que traduit la formule désormais classique aux terme de laquelle : « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties » (CE, 8 décembre 1961, Société Nouvelle Compagnie générale des travaux, n° 44994).

Deuxièmement, ce n’est que dans l’hypothèse dans laquelle la mention de réserves est portée au décompte que des réclamations sont, ultérieurement, possibles (CE, 6 novembre 2013, Région d’Auvergne, n° 361837, aux Tables). Le décision Société Icade Promotion (6 mai 2019, n° 420765, aux Tables) ayant précisé que cette réserve n’avait pas nécessairement à être chiffrée.

Concrètement, en cas de réserves, l’entrepreneur doit remédier aux imperfections ou malfaçons dans un certain délai et si les travaux ne sont finalement pas réalisés, l’acheteur public peut les faire exécuter aux frais et risques de l’entrepreneur (article 41.6 du CCAG Travaux 2021).

La décision du 28 mars 2022 vient parachever ces principes déjà bien établis par le Conseil d’État en distinguant en cas de formulation de réserves et de réalisation des travaux correspondant, les deux hypothèses susceptible de se présenter :

  • Si les réserves sont mentionnées dans le décompte sans être chiffrées, le décompte ne devient définitif que sur les éléments n’ayant pas fait l’objet de réserves ;
  • Si les réserves sont chiffrées et que ce montant n’a pas fait l’objet de réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité et les sommes correspondant à ces réserves peuvent être déduites du solde du marché s’il n’a pas exécuté les travaux permettant leur levée

C’est donc logiquement que les juges ont considéré que la Commune de Sainte-Flaive-des-Loups était fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes dès lors qu’elle avait émis des réserves chiffrées et que les travaux permettant de les lever n’avaient pas été effectués par la société titulaire du marché.