Par un jugement avant dire droit rendu le 3 février 2022, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que deux moyens de procédure dirigés à l’encontre du PLU de la Commune de Brignais étaient fondés et a, en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, sursis-à-statuer jusqu’à l’expiration d’un délai de 4 mois laissé à la Commune pour régulariser la procédure.

TA Lyon, 3 février 2022, n°2008168

 

Dans cette affaire, une société exploitant un ERP, représentée par le Cabinet Itinéraires Avocats, a sollicité l’annulation du PLU de la Commune de Brignais adopté le 13 février 2020.

 

Deux moyens ont retenu l’attention du Tribunal, à savoir, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux et l’insuffisante motivation des conclusions du Commissaire Enquêteur.

 

En premier lieu, la société requérante soutenait que la convocation des conseillers municipaux en vue de l’adoption de la révision du PLU de Brignais était irrégulière en ce qu’elle ne comportait aucune note de synthèse, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

 

Et dans un considérant particulièrement motivé, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que :

« 3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions du registre des délibérations du conseil municipal, que la convocation à la séance du 13 février 2020, au cours de laquelle a été approuvée la révision attaquée, a été adressée le 7 février précédent aux membres du conseil municipal. Les seules mentions de ce registre selon lesquelles « l’ensemble des membres du conseil municipal a disposé de l’intégralité des documents et informations avant et avec la convocation à la séance plénière du 13 février », si elles établissent la date de convocation des conseillers municipaux, ne suffisent pas, s’agissant du respect par la commune des dispositions ci-dessus relatives à l’envoi aux membres du conseil municipal de la note de synthèse, à établir l’envoi, avec cette convocation, de la note de synthèse que la commune reconnaît d’ailleurs ne pas avoir communiquée. Ainsi, le courriel envoyé aux membres du conseil municipal le 7 février 2020 comportait en pièce jointe la convocation et l’ordre du jour mais se bornait à renvoyer à l’espace collaboratif de la commune sur lequel était seulement déposé le projet de plan local d’urbanisme. Or, contrairement à ce que fait valoir la commune en défense, le projet de plan local d’urbanisme ne saurait, eu égard à l’ampleur de ce document pour une commune de plus de 10 000 habitants, être regardé comme équivalent à la note de synthèse imposée par l’article L. 2121-12 et comme permettant, en conséquence, de remplir son rôle. Enfin, la commune ne démontre pas que ces lacunes ont pu être compensées par une information donnée à l’occasion des deux réunions du comité technique tenues les 10 et 20 janvier 2020 et des trois réunions du bureau municipal élargi tenues les 20 et 27 janvier 2020 et 3 février 2020, séances de travail préparatoire pour lesquelles il n’est justifié, ni de la présence de l’ensemble des conseillers municipaux ni de la teneur des informations alors délivrées. Dans ces conditions, et en l’absence d’éléments permettant de s’assurer que les exigences de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ont réellement été respectées, les requérants sont fondés à soutenir que le vice dont se trouve ainsi entachée la procédure d’adoption de la délibération contestée a privé les membres du conseil municipal, faute pour eux d’avoir été suffisamment informés en amont de la séance du conseil municipal du 13 février 2020, d’une garantie. »

 

Et l’on ne peut qu’approuver le raisonnement du Tribunal qui donne un effet utile aux dispositions de l’article L. 2121-12 du CGCT en s’assurant, notamment au regard de l’ampleur du document soumis à approbation, que les conseillers municipaux ont été suffisamment informés, que ce soit par l’envoi formel d’une note de synthèse ou par tout autre moyen ayant un effet équivalent.

A ce titre, l’on pense évidemment à la question récurrente des modifications intervenues entre le PLU tel qu’arrêté et soumis à enquête publique et le PLU tel que soumis à approbation. En effet, et sur ce point, il apparaît opportun que les conseillers municipaux disposent d’une information complète sur de ces modifications et puissent identifier clairement de telles modifications « post enquête-publique » plutôt que de devoir jouer au « jeu des 7 erreurs » entre deux versions d’un document composé de plusieurs centaines de pages et dizaines de plans.

 

En second lieu, et fait relativement rare, le Tribunal a retenu que les conclusions du commissaire enquêteur étaient insuffisamment motivées au regard des exigences de l’article R. 123-19 du code de l’environnement.

Au cas présent, il est apparu que, dans ses conclusions, le commissaire enquêteur s’est borné « à reprendre les éléments de procédure, à synthétiser les avis des personnes publiques associées et les observations du public en regroupant ces dernières en quatre thèmes et à y apporter des réponses, avant d’émettre un avis non motivé, se bornant seulement à répondre aux observations présentées lors de l’enquête et à émettre deux réserves avec trois recommandations ».

Plus étonnante encore est la réponse faite par le commissaire enquêteur aux observations du président du tribunal administratif de Lyon qui avait relevé un défaut de motivation de ces conclusions.

A cet égard, la formation de jugement relève que, dans sa réponse, « le commissaire enquêteur a uniquement renvoyé à certaines parties du rapport de présentation avant d’indiquer que les orientations du projet de PLU allaient au-delà des attentes réglementaires en la matière et que ce projet était compatible avec les documents supérieurs, se contentant pour le reste de s’en remettre à l’avis des personnes publiques associées après avoir souligné que « on aurait peine à penser qu’aucun de ces organismes avec, chacun dans son domaine, sa capacité d’expertise et son expérience, aurait laissé passer sans réagir un projet qu’il aurait considéré comme n’étant pas conforme aux objectifs fixés au PLU » ».

En clair, un commissaire enquêteur qui se borne à se référer « aux avis des PPA qui ne peuvent mal faire » n’apporte aucune motivation personnelle et circonstanciée.

 

Ce faisant, le Tribunal administratif de Lyon a donc retenu que « le rapport du commissaire ne comporte que des réponses succinctes à certaines observations sur des points particuliers mais ne traduit aucune opinion, même sommaire, sur les orientations générales du projet et les partis d’aménagement retenus. Dans ce contexte, le commissaire enquêteur ne peut être regardé comme ayant émis un avis personnel et motivé sur l’ensemble du projet de révision. Par suite, ses conclusions ne répondent pas à l’obligation de motivation prescrite par l’article R. 123-19 du code de l’environnement. En l’espèce, cette irrégularité a eu pour effet de priver le public intéressé par le projet de document, mais également les membres du conseil municipal, d’une garantie. De ce fait, la délibération attaquée se trouve entachée d’irrégularité. »

 

Sur ce point, on rappellera utilement que lorsque la collectivité reçoit les conclusions du Commissaire Enquêteur, et qu’elle constate une insuffisance ou un défaut de motivation de ces conclusions, elle peut en informer, dans un délai de 15 jours, le Président du Tribunal administratif ayant désigné le Commissaire Enquêteur, en application de l’article R. 123-30 du code de l’environnement, et le Président du Tribunal administratif pourra alors demander au Commissaire Enquêteur de compléter ses conclusions.

 

La Commune de Brignais, et le Commissaire Enquêteur ont donc quatre mois pour « corriger le tir » et régulariser la procédure.