TA Nice, 15 janvier 2025, n°2201769

 

Mise en demeure de régularisation d’une « installation », même dispensée de toute formalité d’urbanisme :

La procédure de mise en demeure de l’article L.481-1 du code de l’urbanisme permet, pour rappel, à l’autorité administrative compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, dès qu’un PV d’in fraction pénale a été établi et indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d’une astreinte, en vue d’obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin (y compris remise en état ou démolition) ou par le dépôt des demandes d’autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation.

Au vu du caractère extensif de la notion de « travaux » au sens du code de l’urbanisme (et reprenant la solution dégagée par CE, 23 mars 2023, Ville de Paris, n°468360, dont on se reportera aux éclairantes conclusions du rapporteur public S. Hoynck) le tribunal rappelle que les dispositions de l’art. L.481-1 c. urb., prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, si elles font référence aux « travaux », sont cependant applicables à l’ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d’une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement.

Ce qui était bien le cas en l’espèce, concernant un pont roulant de levage, démontable mais fixé au sol, qui n’est pas une « construction », mais constitue une « installation » relevant du code de l’urbanisme, et donc entrant dans le champ de la mise en demeure de régularisation de l’art. L.481-1 c. urb.

 

L’inopposabilité de la prescription pénale :

Plus intéressant encore, ce jugement se prononce sur la question de savoir si la prescription de l’action publique (de 6 ans en matière de délits, selon l’article 8 du code de procédure pénale), si et lorsqu’elle est acquise, entache d’illégalité une mise en demeure de régularisation engagée sur le fondement de l’article L.481-1 c. urb. L’interrogation est légitime puisque, selon les termes de cet article L.481-1 c. urb., la mise en œuvre de cette procédure implique nécessairement qu’au préalable « un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1 ». Au demeurant, nous notons que le texte retient stricto sensu à notre sens une condition de forme (l’établissement formel d’un PV d’infraction), et non pas de fond (l’existence d’une infraction pénale, que le juge administratif ne serait au demeurant pas compétent pour caractériser).

Le tribunal administratif apporte une réponse négative : le délai de prescription pénale est sans incidence, et se fonde sur la lettre de l’article L.481-1 c. urb., qui ne prévoit explicitement aucun délai de prescription :

« les dispositions de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme précité, qui ne prévoient pas l’intervention du juge judiciaire et constituent une alternative aux poursuites civiles et pénales, n’enserrent, en l’absence de dispositions expresses sur ce point, la possibilité pour l’autorité administrative d’adresser une mise en demeure de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée préalablement par procès-verbal d’infraction, dans aucun délai de prescription. »

L’inopposabilité de la prescription pénale dans le cadre de la procédure administrative de mise en demeure de l’article L.481-1 c. urb. avait d’ailleurs déjà été jugée dans le même sens par un autre tribunal administratif (TA Montreuil, 14 mai 2024, n°2218225), qui au passage rappelait aussi que le tribunal ne peut nullement vérifier si le PV d’infraction à la base de la procédure est légal ou non au regard des dispositions du code de l’urbanisme (notamment en matière de droit de visite), dès lors qu’ « il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de l’établissement du procès-verbal d’infraction, acte de procédure pénale dont la régularité ne peut être appréciée que par le juge judiciaire ».

Jean-Baptiste OLLIER
Avocat Associé