A l’occasion de la séance des questions au Gouvernement au Sénat le 9 octobre, le Premier Ministre a annoncé qu’il entendait stopper le transfert obligatoire des compétences Eau et Assainissement fixé, en l’état du dispositif en vigueur, au 1er janvier 2026, répondant ainsi aux revendications de l’AMF et des Maires ruraux.
C’est en ces termes que Michel BARNIER s’est exprimé devant la Chambre Haute :
« Il est temps de clôturer, depuis la loi NOTRe de 2015, ce qui est une vraie difficulté, peut-être une blessure, dans la confiance entre le Gouvernement et le Sénat. Voilà pourquoi, on ne va pas revenir sur les engagements déjà pris, sur les transferts déjà réalisés, mais il n’y aura plus de transfert obligatoire en 2026. »
Avant de poursuivre :
« Pour les Communes qui n’ont pas encore transféré, il n’y aura plus de transfert obligatoire. Nous souhaitons leur donner plus de liberté et leur donner davantage confiance ».
L’annonce est claire, en forme d’engagement, avec cette précision que le Premier Ministre a, devant les Sénateurs – dont la majorité restait favorable à une absence de transfert obligatoire – souhaité, sans nul doute, tempérer les effets induits par la demande du Gouvernement priant les collectivités locales de bien vouloir contribuer à l’effort budgétaire en 2025 à hauteur de plus de 5 milliards d’euros.
Cet énième épisode dans le long feuilleton du transfert des compétences Eau et Assainissement, débuté il y a près de 10 ans avec la loi NOTRe de 2015 traduit, sur une problématique essentielle pour les collectivités concernées, une instabilité quasi permanente, peu propice à l’anticipation et à la prospective.
Faut-il en effet rappeler, parmi les nombreux épisodes précédents, que la loi NOTRe avait, au départ, posé dès 2015, le principe du transfert obligatoire des compétences Eau et Assainissement pour l’ensemble des Communautés d’Agglomération et des Communautés de communes pour…le 1er janvier 2020. En définitive, cette date n’est restée de mise que pour les seules Communautés d’Agglomération.
Puis, la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences Eau et Assainissement est venue poser un dispositif de même nature que celui déjà mis en œuvre pour la compétence PLU, avec minorité de blocage des Communes membres opposées au transfert (25% d’entre elles représentant 20% de la population totale) et report du transfert au 1er janvier 2026. Cet aménagement s’est accompagné d’une possibilité, en cas de transfert, de maintien des Syndicats situés sur 2 EPCI (et non plus 3 comme auparavant).
La loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019, là encore pour répondre à la fronde persistante des élus, a innové en instaurant un mécanisme de délégation de compétence en faveur des Communes et des Syndicats intercommunaux à périmètre infra communautaire existants au 1er janvier 2019 et ce, avec maintien de plein droit desdits Syndicats et fixation d’une première période de neuf mois, le temps pour l’EPCI nouvellement compétent de délibérer sur le principe de la délégation de compétence accordé à une telle entité syndicale.
Loi 3DS, à son tour, du 21 février 2022, est venue apporter sa pierre à l’édifice fragile et instable, en confirmant d’abord l’échéance du 1er janvier 2026, s’agissant du transfert obligatoire des compétences Eau et assainissement aux Communautés de communes – transfert toujours de mise aujourd’hui – et en maintenant les Syndicats infra-communautaires après le 1er janvier 2026 par la voie de la délégation, sauf avis contraire de la Communauté de communes.
Et demain, suite à l’annonce du Premier Ministre, sans doute encore, ou peut-être – compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l’existence même du Gouvernement actuel comme sur la mandature en cours des Députés – une nouvelle loi susceptible d’annihiler le transfert obligatoire fixé…sous réserve qu’une majorité en ce sens puisse se dégager du côté de l’Assemblée Nationale, une telle majorité étant d’ores et déjà acquise au Sénat.
Cela fait beaucoup de changements et d’aménagements…en peu de temps, et sans doute, trop…mais peut-être est-ce là le prix à payer pour coller au plus près des positions et préoccupations exprimées par les territoires et leurs représentants tant dans leur nombre que dans leur diversité. Une chose est sûre l’usager de ces deux services publics locaux est loin, très loin de ces questions…tout en restant naturellement attentifs au tarif comme à la qualité desdits services rendus.
Le long feuilleton du transfert des compétences Eau et Assainissement devrait donc, en principe, connaître son, peut-être même, ses, nouveaux épisodes sous peu !
Pierre-Stéphane REY