L’article L.600-1-2 du Code de l’Urbanisme précise les conditions dans lesquelles une personne doit justifier de son intérêt à agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager.

« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.

Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire »

Si pendant longtemps le juge administratif s’est montré assez souple pour reconnaître au voisin immédiat d’un projet de construction, son intérêt à agir pour contester l’autorisation d’urbanisme accordée, le Conseil d’Etat (CE, 19 janvier 2024, n° 469266) vient de préciser que le demandeur doit clairement, et lui-même, justifier des éléments relatifs « à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction de nature à justifier d’une atteinte susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur propriété ».

Ainsi le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Marseille reconnaissant un intérêt à agir aux requérants, en considérant que ceux-ci n’avaient apporté aucun élément relatif à leur intérêt à agir et qu’il n’appartenait pas à la Cour de pallier l’insuffisance des justifications des requérants de leur intérêt à agir.

«  Pour retenir que M. et M A, dont il est constant qu’ils sont des voisins immédiats de la parcelle sur laquelle le projet doit être réalisé, disposaient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir, la cour administrative d’appel de Marseille s’est fondée, d’une part, sur ce que les intéressés avaient notamment fait état d’un litige portant sur la détermination d’une servitude de passage sur leur fonds au bénéfice du pétitionnaire et, d’autre part, sur ce que la construction d’une maison individuelle et d’un garage était de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance de leur propriété, notamment à leur vue et à leur tranquillité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des différents mémoires produits par M. et M A, tant en première instance qu’en appel, que les intéressés se sont bornés à faire état de la proximité immédiate de leur propriété avec celle du projet, ainsi que de l’existence d’un litige de bornage avec leur voisin. En se fondant, ainsi, d’une part, sur un litige judiciaire sans lien avec la nature, l’importance ou la localisation du projet de construction, et, d’autre part, sur des éléments relatifs aux conditions de jouissance de leur bien par M. et M A dont les intéressés ne faisaient nullement état dans leurs écritures, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SARL société de développement rural est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».

De plus, le Conseil d’Etat, après avoir annulé l’arrêt de la Cour pour cette erreur de droit, a évoqué l’affaire au fond et rejeté la requête, pour le même motif, à savoir l’absence d’intérêt à agir démontré lors de l’introduction de leur requête d’appel.

 

Vincent LACROIX
Avocat Associé