Un agent contractuel qui refuse, avant l’échéance de son contrat, son changement d’affectation s’apparentant à une modification substantielle de ses conditions d’emplois, ne se trouve pas en situation d’abandon de poste du fait de son refus de déférer à la mise en demeure de rejoindre sa nouvelle affectation.

Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 03 novembre 2023, n°461537

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État, un agent contractuel de la Commune de Dzaoudzi-Labattoir (Mayotte), recruté par un contrat à durée indéterminée en qualité d’instructeur des permis de construire, s’est vu proposer par son employeur un nouveau contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions d’animateur éducateur sportif à compter du 1er février 2017.

L’agent ayant refusé ce changement affectation, il a été mis en demeure par le maire de la Commune de rejoindre sa nouvelle affectation l’informant que, faute pour lui d’y déférer et en l’absence de tout justificatif, une procédure pour abandon de poste entraînant sa radiation des effectifs serait engagée à son encontre sans procédure disciplinaire préalable.

Par un arrêté du 10 avril 2017, le maire de la Commune a prononcé la radiation des cadres de l’agent pour abandon de poste. L’intéressé a exercé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté qui a été annulé en première instance par le Tribunal Administratif de Mayotte, jugement qui a été lui annulé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux. L’agent s’est donc pourvu en cassation.

Dans son arrêt, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé qu’une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne pouvait être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié en l’informant du risque qu’il encourt d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.

Si l’agent ne se conforme pas à cette mise en demeure ou ne se manifeste pas auprès de son administration dans le délai imparti et sans motif légitime, il est réputé avoir rompu le lien avec le service et peut être radié des cadres.

Le Conseil d’État a précisé l’application de ce principe à un agent contractuel faisant l’objet d’un changement d’affectation et qui ne rejoint pas sa nouvelle affectation.

Pour la juridiction, un agent contractuel, dont la situation est régie par les stipulations de son contrat, qui, d’une part, refuse, avant l’expiration de ce contrat, de signer un nouveau contrat prévoyant une autre affectation ou d’accepter un changement d’affectation s’apparentant à la modification d’un élément substantiel de son contrat en cours et, d’autre part, ne rejoint pas cette nouvelle affectation malgré une mise en demeure en ce sens, ne se trouve pas en situation d’abandon de poste justifiant une procédure de radiation des cadres.

Dans une telle situation, le Conseil d’État rappelle qu’en cas de refus par l’agent contractuel d’une modification substantielle de son contrat telle qu’un changement d’affectation, ce qui est un droit pour l’agent, l’administration a la possibilité d’engager une procédure de licenciement en application de l’article ce qu’il a le droit de faire, peut être licencié en application de l’article 39-3 du Décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.

Ainsi, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux au motif que le juge d’appel aurait dû vérifier si l’agent avait signé le nouveau contrat à durée indéterminée proposé par la Commune ou si, à défaut de contrat, le changement d’affection constituait une modification d’un élément substantiel du contrat en cours que l’agent pouvait refuser.

A contrario donc, si l’agent avait signé le nouveau contrat le positionnant sur des nouvelles fonctions ou si son changement d’affectation ne constituait pas une modification d’un élément substantiel de son contrat, le refus de l’agent de rejoindre sa nouvelle affectation malgré une mise en demeure en ce sens aurait constitué un abandon de poste justifiant sa radiation des cadres.

 

Cyril Auger

Avocat