Une décision d’affectation d’office est susceptible de recours lorsqu’elle traduit une situation de harcèlement moral, faisant ainsi tomber la qualification de mesure d’ordre intérieur.

 

Conseil d’Etat, 8 mars 2023, n°451970

 

Dans cette affaire la requérante, titulaire du grade d’attachée principale d’administration de l’Etat, exerçait ses fonctions en préfecture. Par une décision du 25 janvier 2017, elle faisait l’objet d’une mesure d’affectation d’office au secrétariat général de la préfecture en qualité de « cheffe de la mission de pilotage des politiques partenariales et de l’appui territorial ».

Après avoir sollicité gracieusement le retrait de cette mesure, l’agent se tournait successivement vers le Tribunal administratif de Bastia et la Cour administrative d’appel de Lyon, lesquels rejetaient ses demandes, au motif que la décision d’affectation d’office constituait une mesure d’ordre intérieur.

En parallèle, par un jugement en date du 25 juin 2020 devenu définitif, le Tribunal administratif de Bastia reconnaissait l’existence d’une situation de harcèlement moral à l’encontre de la requérante et visait notamment, parmi les éléments constitutifs du harcèlement, cette affectation d’office.

 

Le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi formé par l’agent à l’encontre de l’arrêt rendu par la CAA de Lyon, rappelait d’abord sa jurisprudence relative aux mesures d’ordre intérieur et reconnaissait que les juges d’appel avaient pu souverainement constater que la mesure :

« n’avait entraîné aucune modification de la situation professionnelle de la requérante tant en ce qui concerne la nature de ses fonctions que ses conditions de travail, n’avait pas porté atteinte à sa situation personnelle et n’avait pas présenté, dans les conditions où il était intervenu, le caractère d’une mesure discriminatoire. »

 

Néanmoins il indiquait ensuite que cette mesure d’affectation d’office ne pouvait recevoir la qualification de mesure d’ordre intérieur dès lors que le jugement du Tribunal administratif de Bastia avait considéré qu’elle faisait partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à l’encontre de la requérante :

«  Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… faisait valoir que cette affectation d’office, alors qu’elle n’était pas candidate à ce poste, avait été retenue, parmi des agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d’altérer sa santé, comme faisant partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à son encontre par un jugement du tribunal administratif de Bastia devenu définitif du 25 juin 2020. En ne recherchant pas, au vu de cette argumentation, si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l’intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit. »

 

En conséquence, le Conseil d’Etat annulait l’arrêt rendu par la CAA de Lyon et lui renvoyait l’affaire.

Louise Ferrand