Une aide destinée à favoriser l’installation d’un professionnel de santé relève-t-elle d’une action de développement économique au sens des dispositions des articles L. 5216-5 du CGCT ?

C’est la question qui était posée au Tribunal Administratif de Strasbourg (TA de Strasbourg, 12 février 2021, n°2001541) suite au déféré introduit par le Préfet du Haut Rhin à l’encontre de la délibération du conseil municipal de la Commune de Huningue, par laquelle elle avait décidé d’accorder à un médecin disposé à s’installer dans la Commune en qualité de médecin généraliste libéral, une aide à l’installation d’un montant de 50 000 euros et d’équiper en biens meubles son cabinet pour un montant maximal de 10 000 euros.

Une action de développement économique ?

 Le Préfet estimait que ladite aide, fondée sur les dispositions de l’article L. 1511-8 du CGCT, constituait une action de développement économique, au sens de l’article L. 5216-5 du CGCT tel qu’issu de loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui définit les compétences dévolues à la catégorie des Communautés d’agglomération.

En conséquence, le Préfet soutenait dans son déféré que seule la Communauté d’agglomération à laquelle adhérait la Commune de Huningue disposait de la compétence pour accorder une telle aide.

Le débat juridique ne portait donc en aucun cas sur l’application du dispositif de l’article L. 1511-8 susvisé, dont les conditions, en l’espèce, étaient parfaitement réunies, la Commune relevant bien d’une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, déterminées par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé.

Commune ou EPCI ?

La seule question à trancher résidait donc bien dans le fait de savoir si l’aide ainsi octroyée relevait de la compétence de la Communauté d’Agglomération à laquelle adhère la Commune concernée – position invoquée par le Préfet ou non.

Le Préfet s’appuyait, notamment, sur le fait que les professionnels de santé entrent dans la définition communautaire des entreprises, la CJUE ayant, par ailleurs, considéré que les activités médicales devaient être regardées comme des activités économiques. De plus, le Préfet considérait que l’insertion de l’article L. 1511-8 du CGCT, fondement juridique de la décision communale, dans un titre « Développement économique » avait une portée essentielle sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements.

Le Tribunal Administratif a donné tort au Préfet en rejetant son déféré en considérant que la Commune disposait bien de la compétence lui permettant d’accorder l’aide ici en question, la formation de jugement statuant conformément aux conclusions du Rapporteur Public.

Il a été ainsi jugé que le dispositif mis en œuvre par la Commune concernée ne relevait pas d’une action de développement économique au sens de l’article L. 5216-5 du CGCT, en opérant une distinction entre les actions qui ont pour objet ou pour but le développement économique et celles, par principe, plus larges, qui ont des retombées économiques.

Alors que la CJUE n’a jamais, semble-t-il, défini précisément ce qu’il faut entendre par actions de développement économique, pas plus qu’elles ne sont définies par l’article L. 5216-5 du CGCT, le Conseil d’Etat a été amené à en définir les contours et manière plutôt restrictive.

La Haute Juridiction avait, notamment considéré que les actions de développement économique sont celles qui ont pour objet et pour but le développement économique et que des décisions ne sauraient être qualifiées d’actions de développement économique au seul motif qu’elles ont des retombées économiques.

Le Tribunal s’appuyant sur un tel constat comme sur les travaux préparatoires de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux dont est issu le dispositif de l’article L. 1511-8 du CGCT, a donc considéré que ce dispositif avait été instauré pour contribuer à un égal accès de la population à une offres de services et non en vue de poursuivre un objectif de développement économique. Si de telles aides sont susceptibles d’avoir des retombées économiques, dans le territoire de la collectivité concernée, elles ne relèvent pas, pour autant, des actions de développement économique.

En outre, le Tribunal relève que l’insertion des dispositions législatives et réglementaires relatives aux aides à l’installation des professionnels de santé au sein du Titre « Développement économique » du CGCT n’était pas suffisante pour leur conférer le caractère d’actions de développement économique.