La Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que les agents publics n’avaient pas un droit individuel au télétravail. Une telle faculté doit être ouverte collectivement par l’organe délibérant de la collectivité territoriale, qui définit les activités éventuellement éligibles. Il appartient ensuite au chef de service d’apprécier, chaque demande individuelle à exercer les fonctions en télétravail, au regard de l’intérêt du service et au vu de l’emploi exercé par l’agent demandeur.

 

Cour administrative d’appel de Lyon, 3 juin 2021, n° 19LY02397

 

Dans cette affaire, un agent de la Communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné avait exercé un recours gracieux puis contentieux à l’encontre de la délibération du 17 novembre 2016 par laquelle le conseil communautaire avait organisé le télétravail du personnel communautaire, en l’écartant pour l’ensemble des activités de la collectivité.

Par un jugement n° 1702551 du 9 avril 2019, le Tribunal administratif de Grenoble avait rejeté la demande d’annulation formulée par l’agent au motif que :

« 6. Toutefois, ces dispositions instituent, non un droit individuel, mais une faculté pour chaque agent à demander à exercer, à titre individuel, ses fonctions en télétravail et cette demande est soumise à l’accord du chef de service en fonction de l’intérêt du service. Cette faculté s’exerce dans le cadre défini par la délibération, prise par l’organe délibérant, s’agissant des collectivités territoriales et de leurs établissements, laquelle fixe les activités qui y sont éligibles, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, et les modalités de mises en œuvre du télétravail, le cas échéant. Ces dispositions n’excluent pas que, pour des motifs tirés de l’organisation de service parmi lesquels peuvent figurer l’effectif restreint de la collectivité, la nature même des activités impliquant la présence physique sur le lieu de travail ou les difficultés que l’octroi du télétravail à certains agents peuvent engendrer sur le fonctionnement du service, l’organe délibérant décide qu’aucune des activités de l’établissement ne peut donner lieu au télétravail. Par suite, en décidant qu’aucune des activités exercées par l’établissement n’est éligible au télétravail, la délibération n’a pas méconnu les dispositions de l’article 133 de la loi du 12 mars 2012 et la faculté qu’elles instituent aux agents de demander, à titre individuel, à exercer leurs fonctions par la voie du télétravail. Pour les mêmes motifs, la loi du 12 mars 2012 n’ayant pas institué « un droit » au bénéfice des agents, la délibération attaquée n’a pas entachée de l’illégalité pour « violation du droit du fonctionnaire à formuler » une demande de télétravail. »

 

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon fait droit à la demande de l’agent et annule la délibération contestée. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 133 la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 qui encadrent le télétravail dans la fonction publique, elle juge que le télétravail :

« constitue une forme d’organisation du travail à laquelle les agents, lorsque cette faculté leur a été ouverte collectivement par l’organe délibérant de la collectivité qui définit les activités éventuellement éligibles, peuvent être autorisés à recourir par le chef de service pour l’exercice de leurs fonctions à la suite d’une demande individuelle appréciée au regard de l’intérêt du service et au vu de l’emploi exercé par l’agent demandeur. »

 

Elle ajoute néanmoins que ces dispositions n’ont pas pour portée de poser un droit individuel au télétravail et qu’elles ouvrent seulement, à l’organe délibérant, la faculté d’ouvrir, aux agents, la possibilité de demander de recourir au télétravail, en fixant, conformément à l’article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 :

« 1° Les activités éligibles au télétravail ;

2° La liste et la localisation des locaux professionnels éventuellement mis à disposition par l’administration pour l’exercice des fonctions en télétravail, le nombre de postes de travail qui y sont disponibles et leurs équipements ;

3° Les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d’information et de protection des données ;

4° Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé ;

5° Les modalités d’accès des institutions compétentes sur le lieu d’exercice du télétravail afin de s’assurer de la bonne application des règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité ; »

 

Ainsi, il appartient à l’organe délibérant d’organiser la mise en œuvre du télétravail dans la collectivité selon la nature et les conditions d’exercice des activités et missions qu’elle exerce, mais, ce faisant, il ne doit pas méconnaitre la portée des critères listés à l’article 7 et étendre l’objet de sa délibération à une introduction ou un refus du télétravail poste par poste au regard de l’intérêt du service. En effet, l’appréciation de l’intérêt du service relève du seul pouvoir d’appréciation du chef de service au moment où il statue sur les demandes individuelles de l’agent.

En l’espèce, la délibération avait exclu le télétravail au motif que la Communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné est une collectivité publique de taille réduite, disposant de peu d’agents pour assurer les missions de service public qui lui incombent et ces derniers devaient nécessairement travailler de manière collaborative pour assurer une gestion efficace des missions qui leur sont confiées. Pour ces raisons et dans le cadre d’une bonne organisation du service, les agents devaient nécessairement être présents sur leur poste de travail pour assurer pleinement leurs fonctions.

 

La Cour en déduit que l’organe délibérant a excédé l’appréciation qu’il lui revenait de porter sur la nature et les conditions d’exercice des activités et missions de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné pour fonder son refus d’appliquer le télétravail exclusivement sur une appréciation de l’intérêt du service, comprenant une appréciation de l’intérêt individuel des agents.