Le Conseil d’État a jugé que l’administration peut, à l’occasion d’un recours contre un refus d’autorisation d’urbanisme, faire valoir que sa décision était légalement justifiée par un autre motif que celui initialement indiqué. Il vient alors d’ouvrir la voie de la substitution de motifs contre les refus d’autorisation d’urbanisme.

 

Conseil d’État, 19 mai 2021, n° 435109

 

Dans cette affaire, le maire de Rémire-Montjoly a refusé de délivrer un permis de construire. Le pétitionnaire a alors demandé au Tribunal administratif de la Guyane d’annuler l’arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le maire a opposé ce refus et le rejet de son recours gracieux du 30 mars 2016.

 

Par un jugement du 30 juin 2017, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande. Sur l’appel du pétitionnaire et par un arrêt du 4 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement et a fait droit aux demandes initiales.

 

La commune de Rémire-Montjoly s’est alors pourvue en cassation.

 

L’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme, issu de la loi du 6 août 2015, dispose que l’auteur d’une décision de refus d’autorisation d’urbanisme doit motiver son refus et indiquer l’intégralité des motifs justifiant la décision.

 

La possibilité pour l’administration de solliciter une substitution de motifs, née de la jurisprudence « Madame Hallal » (CE, 3 février 2004, n° 240560), n’avait jusqu’alors pas été expressément admise, s’agissant des refus de permis de construire, par le Conseil d’État.

 

C’est désormais chose faite et le Conseil d’État a jugé que :

 

« L’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué. »

 

Et le Conseil d’État est venu préciser que la communication des écritures de la Commune (qui faisait valoir un autre motif pour fonder sa décision de refus) au requérant le mettait à même de présenter ses observations sur cette substitution de motifs, quand bien même la Commune n’aurait pas expressément sollicité une telle substitution.

 

De cette décision très favorable à l’administration, il résulte clairement qu’elle peut désormais solliciter une substitution de motifs dans le cadre d’un recours en annulation contre un refus de délivrer une autorisation d’urbanisme.