La Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que, dans le cadre d’un contentieux portant sur un retrait de permis de construire, une substitution de motifs, sollicitée par l’administration pouvait être accordée seulement si le nouveau motif de retrait dont il était demandé la substitution n’aurait pas pu, à l’occasion de la procédure contradictoire préalable au retrait (Cf. article L. 424-5 du  code de l’urbanisme), donner lieu à une demande de permis de construire modificatif de la part du pétitionnaire. 

 

 

CAA Bordeaux, 3 novembre 2020, n° 19BX03719

 

 

Dans cette affaire, un permis de construire avait été retiré par la Commune de Poitiers. Ce retrait a été annulé par le tribunal administratif de Poitiers, lequel avait censuré l’intégralité des motifs de refus.

 

La Commune de Poitiers a alors interjeté appel de ce jugement, en sollicitant, pour la première fois en appel, une substitution de motif.

 

Les appelants soutenaient qu’une substitution de motif  (CE, 6 février 2004, Mme Hallal, n° 240560), présentée pour la première fois en appel, les privait d’une garantie procédurale puisque les décisions de retrait doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration et ne peuvent donc intervenir sans que les intéressés aient pu présenter leurs observations préalablement au retrait.

 

Dans un premier temps, il sera observé que la Cour a repris le considérant de principe attaché aux substitutions de motifs :

 

« L’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué. »

 

Dans un second temps, la Cour est venue préciser les conditions dans lesquelles une décision, qui doit être soumise à une procédure contradictoire préalable en application de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, peut faire l’objet d’une substitution de motif :

 

« Une décision de retrait d’un permis de construire, qui est une décision soumise à une procédure contradictoire préalable en vertu des dispositions précitées n’est pas, de ce seul fait, exclue du champ de la substitution de motifs dès lors que dans le cadre de la procédure juridictionnelle, le requérant est mis à même de présenter ses observations sur le motif substitué et n’est donc pas privé, quant au contradictoire, d’une garantie de procédure liée au motif substitué. Toutefois, dans l’hypothèse où les motifs de retrait invoqués au titre de la substitution auraient pu, à l’occasion d’une procédure de contradictoire préalable au retrait, donner lieu à une demande de permis de construire modificatif de la part du pétitionnaire, la substitution de motifs demandée devant le juge, qui ne permet pas le dépôt d’une demande de permis modificatif, a pour effet de le priver d’une garantie de procédure. »

 

En résumé, il apparaît que : 

  • L’administration peut solliciter une substitution de motifs, en première instance comme en appel, puisque la procédure juridictionnelle garantie une procédure contradictoire ;

 

  • Mais que, si le motif de retrait dont il est sollicité la substitution aurait pu permettre au pétitionnaire de présenter un permis modificatif, la substitution de motif demandée devant le juge, qui ne permet pas le dépôt d’une telle demande de permis modificatif, conduit à le priver d’une garantie (au sens de la jurisprudence Danthony, CE, 23 décembre 2011, n° 335033) et devra donc être écartée par le juge administratif.

 

Au cas présent, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que la substitution de motifs, tirée de la méconnaissance de deux articles du PLU (hauteur et stationnement), ne pouvait être accueillie dès lors que ces irrégularités auraient pu être couvertes si elles avaient été identifiées à temps, c’est-à-dire, au stade de la procédure contradictoire préalable initiée par l’administration.

 

La Cour confirme donc le jugement de première instance et rejette la requête d’appel.