Par une importante décision, publiée au recueil Lebon et classée en A, le Conseil d’Etat a jugé que la légalité d’un permis de construire (ou d’aménager) déposé dans le cadre d’une opération de « division primaire » devait s’apprécier au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. 

Conseil d’Etat, 12 novembre 2020, SCI du 3 rue Jules Gautier, n° 421590

La réussite du montage immobilier complexe (construction et division foncière), dépend de la maîtrise des outils d’optimisation et de sécurisation des montages immobiliers, que ce soit en choisissant la voie du lotissement (L. 442-1 du code de l’urbanisme), celle de la division primaire (R. 442-1 a) du code de l’urbanisme) ou celle du permis de construire valant division (R. 431-24 du code de l’urbanisme) .

Plus précisément, l’article R. 442-1 a) du code de l’urbanisme définit la « division primaire » comme :

a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ; »

Cette division primaire ne constitue pas un lotissement au sens du code de l’urbanisme et apparaît être une technique simple à mettre en place, si bien qu’elle tend à devenir la procédure de droit commun.

En effet, et en pratique, pour réaliser une division primaire, il s’agit simplement pour un futur acquéreur, titulaire d’une promesse de vente, d’obtenir la délivrance d’un permis de construire (ou d’aménager), délivré en son nom, pour procéder à la réitération de l’acte authentique de vente (et donc la division) avant de réaliser les travaux :

Toutefois, s’est posée la question de savoir si l’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme devait se faire au regard du terrain d’assiette initial, existant avant la division, ou si l’administration devait anticiper sur la division à venir et n’instruisant cette autorisation que sur la partie de la propriété ayant vocation à être détachée.

Or, et avant l’intervention de la présente décision du Conseil d’Etat, une partie de la jurisprudence (CAA Versailles, 29 mars 2007, n°06VE01147) et le Gouvernement (Rép. min. n°65630, JOAN Q 6 juillet 2010, p.7649) considéraient qu’il fallait prendre en compte la totalité de l’unité foncière avant division, alors qu’un autre courant jurisprudentiel considérait l’inverse en analysant la légalité d’une permis de construire déposé sur un terrain ayant vocation a être divisé au regard du terrain d’assiette résultant de cette future division (CAA Lyon, 12 novembre 2013, n° 13LY00584).

Désormais, et venant mettre un terme à ces interprétations divergentes, le Conseil d’Etat a clairement indiqué que « par exception à la procédure de lotissement, la division d’une unité foncière prévue au a) de l’article R. 442-1 du code de l’urbanisme, dite  » division primaire « , permet à un pétitionnaire de demander et d’obtenir un permis de construire sur une partie de l’unité foncière existante alors que la division du terrain n’est juridiquement pas réalisée, celle-ci étant destinée à être accomplie après l’obtention du permis de construire. Eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. »

Enfin, le Conseil d’Etat vient utilement préciser qu’en cas de demande de permis de construire modificatif déposée « postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux (…), il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue».

Cette décision vient donc clarifier le périmètre de la division primaire et l’intérêt majeur de cette technique dans le cas d’opération immobilière complexe.