L’autorité compétente doit, avant de refuser ou d’octroyer un permis de construire pour un projet situé en zone à risque, vérifier au stade de l’instruction qu’il respecte effectivement les prescriptions du plan de prévention des risques et si cela n’est pas suffisant à garantir la sécurité des personnes, subordonner ledit permis à des prescriptions spéciales supplémentaires au vu de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.

Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 22/07/2020, n°426139

Dans cette affaire, le maire de Vigneux-Sur-Seine a autorisé la société Altarea Cogedim IDF à construire un ensemble immobilier comprenant des habitations, des commerces et une crèche situé dans une zone à risque d’inondation d’aléa « moyen ». Le préfet a déféré l’arrêté relatif au permis de construire au Tribunal administratif de Versailles, au moyen qu’il était insuffisamment motivé sur la base de l’article L.152-6 du code de l’urbanisme et qu’il ne pouvait être accordé au vu des risques pour la sécurité publique, en application de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Le Tribunal administratif de Versailles a ainsi annulé le permis de construire. La société Altarea Cogedim IDF s’est pourvue en cassation, donnant ainsi l’opportunité au Conseil d’Etat de préciser l’interprétation à retenir de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.

Par ailleurs, l’article L.152-6 4° du code de l’urbanisme prévoit que le permis peut être délivré de manière dérogatoire à l’obligation de créer des aires de stationnement pour le projet de logement, à condition de respecter l’objectif de mixité sociale et d’être situé à moins de 500 mètres d’une gare ou d’une station de transports publics. L’article R.111-2 du même code énonce que « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ».

Dans cette décision, le Conseil d’Etat a estimé que le juge n’avait pas entaché son jugement d’une insuffisance de motivation en accueillant le moyen du préfet selon lequel la dérogation susvisée (article L.152-6 du code de l’urbanisme) accordée n’était pas motivée par le maire.

Ensuite, Le Conseil d’Etat a apporté des précisions relative à la délivrance d’un permis de construire portant sur un projet de construction situé en zone à risque, pour laquelle un plan de prévention des risques naturels prévisibles a été pris (PPRN, article L.562-1 du code de l’environnement) sur la base de l’article R.111-2 précité.

En premier lieu, le juge administratif a rappelé que les prescriptions du plan de prévention des risques naturels (PPRN) valaient servitudes d’utilité publique (article L.562-4 du code de l’environnement) s’imposant à la délivrance des permis de construire.

En second lieu, pour assurer l’objectif de sécurité publique prévu par l’article R.111-2 dudit code, il a mentionné que l’autorité compétente doit prendre plusieurs éléments en compte avant de conclure à la délivrance ou au refus d’un tel permis de construire :

  • Premièrement, « Il incombe à l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention ». Ainsi, l’instruction doit être réalisée au vu des prescriptions énoncées au sein du PPR.
  • Deuxièmement, la délivrance du permis peut-être soumise auxdites prescriptions relatives aux risques naturels.
  • Si cela n’est pas suffisant à assurer la sécurité publique, l’autorité compétente peut prendre des prescriptions spéciales supplémentaires lorsque cela apparaît nécessaire.
  • Le refus ne pourra alors intervenir que s’il apparaît, malgré les prescriptions d’une part du PPR, et d’autres part les éventuelles prescriptions spéciales, que le projet soumis à autorisation ne pourra assurer la sécurité des personnes.

En l’espèce, au regard des circonstances du projet, le Conseil d’Etat a considéré que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en annulant l’arrêté relatif au permis de construire, « sans [avoir recherché] si, comme il était soutenu devant lui, les prescriptions du plan de prévention du risque et d’inondation (…) avaient été respectées et n’étaient pas, à elles seules, ou le cas échéant, complétées de prescriptions spéciales, de nature à prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique ».

Dès lors, les étapes précitées s’imposent à l’autorité compétente à qui il incombe, avant de refuser le permis, de vérifier si l’édiction de prescriptions issues du PPR et de prescriptions spéciales ne permettrait pas de préserver la sécurité des personnes.