Les dispositions de l’article L.752-6 du code de commerce relatives à la prise en compte des effets sur le commerce des centres-villes et l’absence de friche déjà existantes pouvant accueillir le projet ne constituent que des critères supplémentaires d’appréciation pour la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). 

Conseil d’État, 15 juillet 2020 N° 431703

Cette décision fait suite à celle du Conseil Constitutionnel qui portait sur l’interprétation à retenir de l’article L.752-6 du code de commerce modifiée par l’article 166 de loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (1). Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

Dans cette affaire, la société BEMH et le Conseil national des centres commerciaux ont demandés l’annulation de deux séries d’articles du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale. Par voie d’exception, ils soutiennent que la modification de l’article L.752-6 du code du commerce et les dispositions rajoutées au 1° et IV du même article méconnaissent la liberté d’établissement de l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) ainsi que l’article 14 6) de la directive dite « Services ».

Pour rappel, l’article L.752-6 du Code de commerce énonce que l’autorisation d’exploitation commerciale doit être compatible avec le document d’orientation (DOO) du Schéma de cohérence territoriale applicable (SCOT) ou le cas échéant, avec les orientations d’aménagement et de programmation des Plans locaux d’urbanisme (PLU). La CDAC rend ensuite un avis conforme sur le projet soumis. Elle est notamment composée des représentants du tissu économique de la localité concernée.

Plus précisément, le même article du code de commerce dans sa version modifiée dispose que la CDAC prend en compte « e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre ». L’analyse d’impact fournie par le demandeur doit désormais « démontrer  (…) qu’aucune friche existante en centre-ville ne permet l’accueil du projet envisagé (…) » ni même en périphérie.  Le Conseil d’Etat, compétent en premier ressort pour juger des recours dirigés contre les décrets, analyse la conventionnalité des dispositions précitées.

Dans un premier temps, il a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)  sur la base de l’article 267 du TFUE en présence d’une difficulté sérieuse relative à la composition des CDAC et notamment à la présence de représentants du tissu économique en son sein (articles 1 à 3 u décret du 17 avril 2019).

Il a ensuite répondu à la conventionnalité des articles relatifs à l’habilitation des organismes indépendants et au dossier de demande d’autorisation. Sur ce deuxième point, le Conseil d’Etat précise l’interprétation à retenir des nouvelles dispositions.

Il énonce que ces nouvelles dispositions n’entravent pas la liberté d’établissement puisqu’elles « se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l’appréciation globale des effets du projet sur l’aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l’autorisation à l’absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes ».

Ainsi, les nouvelles dispositions ont pour seules vocation de rajouter des critères supplémentaires à la liste de l’article L752-6 du code du commerce, poursuivant l’objectif d’intérêt général spécifique « de la lutte contre le déclin des centres-villes » et non pas de refuser d’office tout projet qui diminuerait la vie commerciale en centre-ville.

De la même manière, la prise en compte de la présence ou non d’une friche qui permettrait d’accueillir le projet dans l’analyse d’impact n’est qu’un critère de plus permettant l’étude des effets de son projet au vu des objectifs d’intérêt général précités.