Le Gouvernement a déjà édicté des règles spécifiques en matière de délais, afin de tenir compte de l’épidémie de COVID-19. C’est à ce titre que sont intervenues l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, d’une part, et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, d’autre part.

L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 apporte des aménagements et compléments aux dispositions prises sur le fondement des deux ordonnances précitées.

Notons que la présentation des dispositions spécifiques au droit de l’urbanisme (article 8 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020) fait l’objet d’un billet particulier à consulter ici.  

  1. Champ d’application temporel du régime dérogatoire

Avant d’aborder le contenu même de l’ordonnance en question, les conditions dans lesquelles le régime dérogatoire résultant de ces ordonnances s’achèvera méritent d’être rappelées.

Ce régime dérogatoire (ou « période juridiquement protégée ») court à compter du 12 mars 2020 et dure jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, laquelle est en l’état fixée au 24 mai prochain. Ainsi, en l’état, la période juridiquement protégée s’achèverait le 24 juin prochain.

Néanmoins, la date du 24 mai 2020 reste susceptible d’être modifiée, si les conditions sanitaires l’imposent, ce qui impactera directement la durée du régime dérogatoire.

  1. Extension de la liste des délais, mesures et obligations exclus du champ d’application du titre Ier de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (article 1er)

L’article 1er de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période excluait de son champ d’application certains délais, mesures ou obligations.

L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 étend cette exclusion aux délais, mesures et obligations suivantes :

  • Aux délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou d’inscription à un examen conduisant à la délivrance d’un diplôme ;
  • Aux délais dont le respect conditionne l’accès aux corps, cadres d’emploi, emplois ou grades de la fonction publique ainsi que le bénéfice de mutations, détachements, mises à disposition ou autres affectations des agents publics ;
  • Aux obligations qui résultent, pour les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, de la section 4 du chapitre 1er ainsi que du chapitre II du titre VI du livre V du même code ;
  • Aux obligations de déclaration prévues par les articles L. 512-3 du code des assurances et L. 546-2 du code monétaire et financier, pour les personnes tenues de s’immatriculer au registre unique mentionné aux articles L. 512-1 du code des assurances et L. 546-1 du code monétaire et financier, ainsi que pour leurs mandants, les entreprises d’assurance auprès desquelles ils ont souscrit un contrat au titre de leur responsabilité civile professionnelle et les établissements de crédit ou les sociétés de financement auprès desquels ils ont souscrit une garantie financière ;
  • Aux obligations, notamment de déclaration et de notification imposées en application des livres II, IV, V et VI du code monétaire et financier aux entités, personnes, offres et opérations mentionnées à l’article L. 621-9 du même code ainsi qu’aux obligations imposées en application du I et II de l’article L. 233-7 du code de commerce ;
  • Aux délais concernant les déclarations prévues aux articles L. 152-1, L. 721-2, L. 741-4, L. 751-4, L. 761-3 et L. 771-1 du code monétaire et financier ;
  • Aux délais concernant les déclarations relatives aux produits chimiques et aux installations fabriquant, stockant, traitant ou consommant de tels produits, mentionnées aux articles L. 2342-8 à L. 2342-21 du code de la défense ;
  • Aux délais de demande de restitution de l’enfant déclaré pupille de l’Etat à titre provisoire, tels que définis au deuxième alinéa de l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles ;
  • Aux demandes d’aides ainsi qu’aux déclarations et formalités nécessaires pour bénéficier des différents régimes d’aides relevant de la politique agricole commune ;
  • Aux délais, régis par le code de l’environnement ou le code de la défense, concernant les déclarations d’accident ou d’incident nucléaire ainsi que toute autre procédure de déclaration, d’information ou d’alerte ou acte destiné à assurer la sécurité nucléaire et la protection des installations, des matières et des équipements nucléaires ainsi que celles du transport des substances radioactives et des matières nucléaires ;
  • Aux délais dans lesquels doivent être présentées les demandes d’attribution de logements destinés aux étudiants et gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ;
  • Aux délais accordés par des procédures d’appels à projets aux personnes souhaitant concourir à la réalisation de politiques publiques et bénéficier à ce titre d’aides publiques.

 

  1. Exclusion des délais de réflexion, de rétractation et de renonciation du régime dérogatoire (article 2)

Conformément à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, certains actes ou formalités prescrits, par la loi ou le règlement à peine de sanction, seront réputés avoir été fait à temps s’ils ont été effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période juridiquement protégée (état d’urgence sanitaire + 1 mois), le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois cependant.

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 précise, à cet égard, que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits.

L’exclusion des délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation du champ du régime dérogatoire vise à ne pas paralyser les transactions qui pourraient être conclues durant l’épidémie de COVID-19. Ainsi, par exemple, le délai de rétractation applicable en matière de souscription d’un contrat d’assurance est pleinement effectif, même pendant la période juridiquement protégée.

Cet article, du fait de sa nature interprétative, est rétroactif.

  1. Prorogation des mesures administratives ou juridictionnelles (article 3)

En application de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, certaines mesures administratives ou juridictionnelles dont le terme vient à échéance au cours de la période juridiquement protégée ont été prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Cette prorogation visait, notamment, les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation.

L’article précisait déjà que le juge ou l’autorité compétente restait cependant compétent pour modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020.

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 précise que la prorogation découlant de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne fait pas obstacle à ce que le juge ou l’autorité compétente modifie ces mesures, y mette fin, ou encore, si les intérêts dont ils ont la charge le justifient, prescrive leur application ou en ordonne de nouvelles pour la durée qu’il détermine. Il lui incombe, dans de telles hypothèses, de prendre en considération les difficultés résultant de la crise sanitaire.

  1. Astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance (article 4)

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyait que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée.

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 poursuivait en précisant que ces astreintes prenaient cours et ces clauses produisaient leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 revient sur cette règle et il est désormais prévu que :

  • Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
  • La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période juridiquement protégée est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.

Le Rapport au Président précise cependant que les parties au contrat restent libres d’écarter l’application de cet article par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte différemment l’impact de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution du contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article. Ainsi, le régime prévu par les ordonnances n’est pas d’ordre public.

  1. Délais applicables aux procédures en matière de rupture conventionnelle dans la fonction publique (article 5)

L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 prévoit que les délais applicables aux procédures en matière de rupture conventionnelle dans la fonction publique, notamment le délai de rétractation, sont suspendus selon le droit commun fixé par l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (suspension jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée).

  1. Délais pour réaliser des contrôles et des travaux, ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature (article 6)

L’article 6 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyait que lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période en question est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

L’article 6 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 complète ce dispositif en prévoyant que l’article 8 de  l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne fait pas obstacle à l’exercice, par l’autorité administrative, de ses compétences pour modifier ces obligations ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifie, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu’elle détermine. Dans tous les cas, l’autorité administrative doit tenir compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire.

  1. Motifs de nature à justifier la reprise de certains délais (article 7)

L’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit plusieurs motifs justifiant une reprise de certains délais.

Ces motifs étaient au nombre de six et étaient les suivants :

  • Protection des intérêts fondamentaux de la Nation,
  • Sécurité,
  • Protection de la santé,
  • Salubrité publique,
  • Préservation de l’environnement,
  • Protection de l’enfance et de la jeunesse.

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 ajoute les deux motifs suivants :

  • Sauvegarde de l’emploi et de l’activité,
  • Sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.
  1. Autres dispositions (articles 9 et 10)

L’article 9 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 modifie les dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 lequel a prévu des règles de computation des délais de recours contentieux ouverts contre les décisions en matière d’éloignement et d’asile dérogatoires à celles fixées à l’article 2 de la même ordonnance.

L’article 10 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 précise les conditions d’application outre-mer.