Sans disposition législative l’autorisant, une décision d’admission à la retraite ne peut avoir un effet rétroactif que si cet effet est nécessaire pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d’âge, afin de placer l’agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.

Conseil d’Etat, 6 mai 2019, n°418482

Madame A., professeur, a été placée par plusieurs arrêtés successifs en congé de maladie pour maladie professionnelle, du 1er octobre 2010 au 31 août 2014. Le 10 avril 2014, elle demande via une lettre au directeur des services départementaux de l’éducation, son admission à la retraite pour invalidité avec jouissance immédiate à compter de cette date ainsi que le versement de sa retraite additionnelle à compter du 1er septembre 2014.

Sans qu’il soit statué sur ses demandes avant le 1er septembre 2014, Madame A. a été maintenue en congé de maladie pour maladie professionnelle à plein traitement jusqu’au 28 février 2015.

Par arrêté du 3 février 2015, le recteur de l’académie a admis Madame A. à la retraite pour invalidité sur sa demande à compter du 1er septembre 2014. Puis, par arrêté du 16 février 2015, le ministre des finances lui a concédé une pension de retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2014.

Par une requête du 23 février devant le tribunal administratif de Paris, Madame A. demande l’annulation de la décision du 16 février 2015 en ce que la pension qui lui a été concédée prend effet au 1er septembre 2014 et non au 28 février 2015.

Le tribunal administratif de Paris rejette sa demande dans un jugement du 22 décembre 2017. Madame A. se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Dans sa décision du 6 mai 2019, le Conseil d’Etat commence par rappeler les dispositions de l’article R.36 du code des pensions civiles et militaires qui prévoit que « la mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d’appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l’intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d’âge, soit de redresser une illégalité ».

Ainsi, en vertu du principe de non rétroactivité des actes administratifs, et en l’absence d’une disposition législative l’y autorisant, l’administration ne peut conférer un effet rétroactif à une décision d’admission à la retraite, même lorsqu’elle est saisie d’une demande de l’agent en ce sens, sauf à ce que la rétroactivité ne soit nécessaire pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d’âge, pour placer l’agent dans une situation régulière ou pour mettre fin à une illégalité.

Dès lors, le Conseil d’Etat juge que « la seule circonstance que l’administration n’avait pu statuer de manière définitive avant le 1er septembre 2014 sur la demande d’admission à la retraite de la requérante » ne suffit pas à justifier l’effet rétroactif de l’arrêté du 3 février 2015 prononçant l’admission à la retraite de la requérante à compter du 1er septembre 2014, qui ne peut pas être regardé comme un acte « présentant le caractère d’une mesure de régularisation de sa situation administrative ».

La rétroactivité de l’acte n’était en effet pas nécessaire pour placer Madame A. dans une situation régulière, cette dernière étant en congé de maladie pour maladie professionnelle durant la période concernée.

Dès lors, la requérante était fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaquait et l’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.