Le Préfet peut demander la suspension d’un acte préparatoire. Les dispositions issues de l’article L.2131-6 du Code général des collectivités territoriales constituent une exception à la jurisprudence « Préfet de l’Eure »

Conseil d’Etat, 5 avril 2019, Préfet du Var, n°418906

La Communauté de communes du pays de Fayence est compétente, aux termes de ses statuts, en matière de  » collecte, transport et traitement des déchets ménagers et assimilés « . Cet établissement public de coopération intercommunale a demandé, par une délibération du 23 mai 2017, son adhésion au syndicat mixte d’élimination des déchets du moyen pays des Alpes-Maritimes (SMED) pour l’exercice de la compétence n° 2 prévue par les statuts de ce syndicat, laquelle recouvre notamment  » la création et la gestion (…) de tout équipement nécessaire au traitement des déchets ménagers et assimilés « .

Le Préfet du Var a déféré cette délibération au tribunal administratif de Toulon, en assortissant ce recours d’une demande de suspension.

Le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à la demande de suspension par une ordonnance du 11 décembre 2017.

Le Ministre de l’intérieur se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 22 février 2018 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à l’appel formé par la communauté de communes du pays de Fayence, a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif et a rejeté cette demande de suspension.

Le Conseil d’Etat a précisé que « Les dispositions issues de l’article L.2224-13 du CGCT interdisent certains transferts partiels de compétences en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages, notamment les transferts ne portant que sur une partie de la mission de traitement de ces déchets. Eu égard à leur objet, ces dispositions s’appliquent non seulement, comme elles le prévoient expressément, aux transferts de compétences dans cette matière lorsqu’ils interviennent entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale ou entre une commune et un syndicat mixte, mais également à de tels transferts de compétences lorsqu’ils interviennent, comme en l’espèce, entre un établissement public de coopération intercommunale et un syndicat mixte ».

En l’espèce, il ressort de la délibération du 23 mai 2017 dont le préfet a demandé la suspension, que la Communauté de communes du pays de Fayence, d’une part, a demandé son adhésion au SMED pour l’exercice de la compétence n° 2 prévue par les statuts de ce syndicat, recouvrant notamment «  la création et la gestion (…) de tout équipement nécessaire au traitement des déchets ménagers et assimilés « , laquelle porte nécessairement sur une partie du traitement des déchets ménagers, d’autre part, n’a pas entendu procéder à un transfert à ce syndicat mixte de l’intégralité de sa compétence relative au traitement de ces déchets.

Par suite, en estimant que n’était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération attaquée le moyen tiré de ce que la communauté de communes ne pouvait légalement demander son adhésion au SMED, au titre de la compétence n° 2 prévue par les statuts de ce syndicat, sans lui transférer l’intégralité de sa compétence relative au traitement des déchets ménagers, le juge des référés a méconnu les dispositions de l’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales. Le Ministre de l’intérieur est fondé, pour ce motif, à demander l’annulation de l’ordonnance qu’il attaque.

Le Conseil d’Etat a précisé qu’il résulte des dispositions issues des articles L.2131-6 et L.2131-2 du code général des collectivités territoriales que « le représentant de l’Etat dans le département peut déférer au juge administratif tous actes des collectivités territoriales qu’il estime contraires à la légalité, y compris ceux présentant un caractère préparatoire. Il en résulte également qu’il peut assortir ce recours d’une demande de suspension, y compris lorsqu’il est dirigé contre un acte présentant un caractère préparatoire ayant pour objet d’engager ou de poursuivre une procédure administrative, et qu’il est fait droit à cette demande dès lors qu’un moyen paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte. Est sans incidence à cet égard la circonstance que l’acte préparatoire déféré par le représentant de l’Etat s’inscrirait dans une procédure administrative dont l’issue dépend d’une décision ressortissant à la compétence de ce dernier. Par ailleurs, les dispositions précitées ont été rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l’article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales.

Si les personnes publiques ne peuvent demander au juge de prononcer des mesures qu’elles ont le pouvoir de prendre, c’est sous réserve des cas où il en est disposé autrement par la loi. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, le représentant de l’Etat dans le département demande au juge administratif, sur le fondement de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la suspension d’un acte d’une communauté de communes, sans qu’ait d’incidence à cet égard, ainsi qu’il a été dit au point précédent, la circonstance que l’acte en cause ne revêtirait qu’un caractère préparatoire et s’inscrirait dans une procédure administrative dont l’issue dépend d’une décision ressortissant à la compétence du représentant de l’Etat ».

La Communauté de communes du pays de Fayence n’est donc pas fondée à soutenir que la demande de suspension de la délibération du 23 mai 2017 présentée par le préfet du Var était irrecevable au motif qu’il aurait pu de lui-même, au terme de la procédure administrative que cette délibération avait pour objet d’engager, refuser de faire droit à la demande d’adhésion formulée par la communauté de communes.

Le Préfet du Var n’a demandé la suspension de la délibération du 23 mai 2017 qu’en tant que celle-ci porte sur l’adhésion de la communauté de communes du pays de Fayence au SMED au titre de la compétence n° 2 prévue par les statuts de ce syndicat, et non en tant que, par cette délibération, le conseil communautaire de la communauté de communes a désigné ses représentants pour siéger au sein du conseil syndical.

La Communauté de communes du pays de Fayence n’est donc pas fondée à soutenir que la demande du préfet était irrecevable car tardive, au motif qu’elle se trouvait soumise aux délais de procédure spéciaux prévus par les dispositions de l’article R. 119 du code électoral.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé que le moyen tiré de ce que la communauté de communes ne pouvait demander son adhésion au SMED, au titre de la compétence n° 2 prévue par les statuts de ce syndicat, sans lui transférer l’intégralité de la compétence relative au traitement des déchets ménagers est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération litigieuse.

En conséquence, l’ordonnance du 22 février 2018 du juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille est annulée.