Qu’il relève du secteur public ou privé, la Cour de Justice de l’Union Européenne considère qu’un travailleur ne peut être privé de l’indemnisation d’un congé annuel non pris pour le seul motif qu’il n’avait pas demandé à bénéficier d’un tel congé avant la fin de la relation de travail.

CJUE, 6 novembre 2018, M. Kreuziger c/ Land Berlin, aff. C-619/16

CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Mme Bauer, aff. C-569/16

Sur le fondement de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, la CJUE avait déjà considéré que les règles limitant les possibilités de report ou d’indemnisation des droits à congé annuel non pris devaient être écartées dans le cas d’un agent qui n’a pas pu prendre son congé en raison d’une maladie (c’est l’analyse que le Conseil d’État avait retenu dans son avis du 26 avril 2017, n° 406009, Ministre de l’intérieur).

Par ces deux décisions, la CJUE étend l’obligation d’indemnisation à deux autres hypothèses, en rappelant que le droit au congé annuel payé de chaque travailleur « doit être considéré comme un principe de droit social de l’Union revêtant une importance particulière ».

Dans la première espèce, un ancien employé du Land  de Berlin s’était vu refuser toute indemnisation de ses droits à congé annuel par son administration au motif qu’il n’avait pas demandé à prendre ses congés avant de quitter ses fonctions.

Selon la Cour de Justice, pour que l’employeur soit dispensé d’indemniser le travailleur, il doit « veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile (…) de ce que, s’il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée, ou, encore, à la fin de la relation de travail lorsque cette dernière intervient au cours d’une telle période ».

Il appartiendra à l’employeur d’établir qu’il a mis en œuvre toute la diligence requise pour informer le travailleur en ce sens.

Dans la seconde espèce, une veuve d’un employé de la ville de Wuppetal réclamait le versement d’une indemnité compensant les congés annuels que son époux n’avait pu prendre avant son décès.

La Cour de Justice a considéré que les dispositions de la directive du 4 novembre 2013 s’opposaient à une réglementation nationale « en application de laquelle, lorsque la relation de travail prend fin en raison du décès du travailleur, le droit à des congés annuels payés acquis en vertu desdites dispositions et non pris par ce travailleur avant son décès s’éteint sans pouvoir donner naissance à un droit à une indemnité financière au titre desdits congés qui soit transmissible aux ayants droit dudit travailleur par la voie successorale ».

Si, en droit du travail français, cette règle est posée par l’article L. 3141-28 du code du travail, une réponse ministérielle l’exclut pour les « agents communaux » (JO Sénat Q, n° 1736, 12 mars 1981, p. 357).