La Commune de Mons (31) a confié à Toulouse Métropole l’instruction de ses autorisations d’urbanisme, par convention, sur la base des dispositions de l’article L5211-4-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.

Le Maire, après instruction par les services de la Métropole, avait dans un premier temps autorisé la création d’un lotissement, et dans un second temps délivré deux permis de construire sur ces parcelles… avant d’informer les propriétaires que ces terrains se révélaient finalement inconstructibles au regard du PPRN approuvé avant la délivrance de ces autorisations d’urbanisme et il ordonnait par conséquence l’interruption des travaux en cours.

Saisi par les propriétaires en réparation de leurs préjudices, le Tribunal Administratif a condamné la Commune à leur verser une somme de 245 425 Euros, et condamné Toulouse Métropole à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre.

La Cour Administrative d’Appel de Toulouse (CAA Toulouse, 21TL24317 du 21 septembre 2023), saisie par Toulouse Métropole uniquement en ce qui concerne sa condamnation à garantir la Commune, a annulé ce jugement en considérant que bien que la convention de mise à disposition du service instructeur doive être considérée comme conclue à titre onéreux et que sa mauvaise exécution soit susceptible d’engager la responsabilité de Toulouse Métropole :

« cette convention de mise à disposition en litige, qui prévoit le seul remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur conformément à l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, si elle est conclue à titre onéreux, ne peut être regardée comme prévoyant une rémunération d’une personne physique ou morale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-10 du même code. Dans ces conditions, la clause de renonciation à tout appel en garantie prévue par les stipulations de l’article 12 de cette convention ne constitue pas une clause illégale au sens de ces mêmes dispositions. Par suite, et dès lors qu’elle s’est engagée à renoncer à appeler en garantie Toulouse Métropole dans le cadre des contentieux indemnitaires relatifs à l’instruction des autorisations d’urbanisme, la commune de Mons n’est pas fondée à appeler en garantie Toulouse Métropole pour les condamnations prononcées par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 octobre 2021 en raison des illégalités entachant le permis de construire du 15 juin 2018 ».

La Cour a ainsi considéré que la clause de la convention qui prévoyait que :

« dans l’hypothèse où la commune de Mons serait attraite dans un contentieux indemnitaire relatif à un permis, une déclaration ou un certificat d’urbanisme ayant été instruit par les services de la communauté urbaine mis à disposition dans le cadre de la présente convention, elle renonce à appeler cette dernière en garantie. La commune de Mons restera seule responsable des éventuelles irrégularités commises par le service instructeur mis à sa disposition dans le cadre des opérations d’instruction des permis et des déclarations, et agissant sur l’instruction du maire (…). Seront également à la charge de la commune de Mons l’ensemble des dépenses liées au contentieux de l’urbanisme, notamment les condamnations aux dépens, les frais irrépétibles et les condamnations d’ordre indemnitaire « ,

exonérait Toulouse Métropole de sa responsabilité et qu’elle ne pouvait donc être condamnée à garantir la Commune.

Le Conseil d’Etat (CE, 17 avril 2025, n°489542), saisi par la Commune vient d’annuler cette décision en confirmant que la convention devait bien être considérée comme ayant été conclue à titre onéreux, comme l’avait jugée la Cour, mais surtout que les dispositions de l’article L. 2131-10 du Code Général des Collectivités Territoriales qui dispose que  » sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l’égard de toute personne physique ou morale qu’elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit  » trouvaient bien à s’appliquer.

Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que :

« Une convention de mise à disposition des services d’un établissement public de coopération intercommunale au profit d’une de ses communes membres qui prévoit, conformément aux dispositions du IV de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, le remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur constitue un contrat prévoyant la rémunération d’une personne physique ou morale au sens des dispositions de l’article L. 2131-10 du même code. Une telle convention ne peut donc légalement contenir de clause stipulant que la commune concernée renonce à exercer toute action en responsabilité à l’égard de l’établissement public de coopération intercommunale. Par suite, en écartant l’application de l’article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales au motif que la convention de mise à disposition de services conclue entre Toulouse Métropole et la commune de Mons n’aurait pas prévu de rémunération de la métropole au sens de cet article, la cour administrative d’appel de Toulouse a commis une erreur de droit. La commune de Mons est donc fondée à demander l’annulation des arrêts qu’elle attaque, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses pourvois. »

Le Conseil d’Etat a donc annulé l’arrêt de la Cour, pour erreur de droit, et renvoyé l’affaire devant cette même Cour.

A retenir :

 

  • La circonstance que le service instructeur de l’EPCI ne soit en charge que de l’instruction des autorisations d’urbanisme et que la délivrance de ces autorisations relève de la seule compétence de la Commune n’a pas pour effet d’exonérer l’EPCI de sa responsabilité, notamment financière, pour les fautes commises dans le cadre de l’instruction.

  • Une convention de mise à disposition conclue sur la base de l’article L5211-4 du CGCT est bien conclue à titre onéreux.

  • Une telle convention constitue un contrat prévoyant la rémunération d’une personne physique ou morale au sens des dispositions de l’article L. 2131-10 du CGCT.

 

  • Cette convention ne peut donc pas contenir une clause stipulant que la Commune renonce à exercer toute action en responsabilité à l’égard de l’établissement public de coopération intercommunale.

Les services instructeurs mis à disposition savent donc désormais à quoi s’en tenir…

Il est intéressant, pour ne pas dire amusant, de comparer cette décision du Conseil d’Etat avec son arrêt (CE, 27 octobre 2008, n°297432) concernant l’instruction des autorisations d’urbanismes par les services de l’Etat qui ne peut donc pas être transposée aux EPCI mettant à disposition leur service instructeur, le fondement juridique de cette mise à disposition étant différent :

 

« Considérant que les conventions conclues à titre onéreux et en dehors de toute obligation entre l’Etat et les collectivités territoriales pour confier aux services déconcentrés de l’Etat des travaux d’études, de direction et de surveillance de projets de ces collectivités sont des contrats de louage d’ouvrage dont l’inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat dans les conditions de droit commun ; que n’ont en revanche pas ce caractère les conventions de mise à disposition des services de l’Etat prévues par les dispositions spécifiques des articles précités L. 421-2-6 et R. 490-2 du code de l’urbanisme, qui sont conclues à titre gratuit et sont de droit lorsque les communes le demandent ; que les services de l’Etat mis à disposition agissant dans le cadre de ces conventions en concertation permanente avec le maire, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l’exécution des tâches qui leur sont confiées, en vue de l’exercice de compétences d’instruction et de décision qu’il conserve, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée à ce titre qu’en cas de refus ou de négligence d’exécuter un ordre ou une instruction du maire ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que la convention du 30 mars 1984 mettant gratuitement à disposition de la COMMUNE DE POILLY-LEZ-GIEN les services déconcentrés de la direction départementale de l’équipement du Loiret pour l’étude technique des demandes de certificat d’urbanisme, conclue en application des dispositions des articles L. 421-2-6 et R. 490-2 du code de l’urbanisme, ne constituait pas un contrat de louage d’ouvrage et que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée envers la commune que dans le cas où un agent de l’Etat aurait commis une faute en refusant ou négligeant d’exécuter un ordre ou de se conformer à une instruction du maire, la cour administrative d’appel de Nantes, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit ; que, par suite, la COMMUNE DE POILLY-LEZ-GIEN n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu’elle présente sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; »

 

Vincent LACROIX

Itinéraires Avocats