Cass. civ. 3ème, 21 décembre 2023, n°23-14.343

Dans cette affaire concernant une exploitation de carrière, les associations requérantes, après avoir épuisé les voies de recours contre l’autorisation d’exploitation (et le permis de construire) obtenue par le carrier, s’étaient tournées vers le juge des référés civil, afin de voir ordonner sous astreinte de stopper tous travaux jusqu’à l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Le juge des référés de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence s’était – à tort – reconnu compétent en appel pour en juger, et avait fait droit à la demande de suspension d’activité.

Pour ordonner une telle suspension, le juge judiciaire des référés avait retenu que l’action engagée par les associations ne visait ni à contester la légalité des arrêtés préfectoraux d’autorisation, ni à solliciter l’interdiction définitive de l’exploitation de la carrière, mais  – et c’est là la subtilité erronée du raisonnement de la Cour d’Appel – à faire cesser des infractions aux dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, et cela sans contrarier aucune décision de l’administration, et sans substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative, puisque, selon la Cour, le préfet n’aurait fondé son autorisation d’exploiter que sur la législation propre aux ICPE, et, donc, sans se prononcer explicitement sur la législation relative aux espèces protégées.

Cependant, la Cour de cassation n’a pas manqué de censurer cette atteinte aux règles de partage des compétences, en fondant son raisonnement sur la « globalité » du régime de l’autorisation environnementale, qui inclut la règlementation relative aux espèces protégées.

En effet, la Cour de cassation rappelle que, selon la jurisprudence administrative, l’autorisation environnementale tient lieu de diverses autorisations et déclarations (énumérés à l’article L. 181-2 du code de l’environnement), dont la dérogation « espèce protégée » prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, de sorte que l’autorisation environnementale peut être utilement contestée au motif qu’elle n’incorpore pas la dérogation « espèce protégée » qui serait requise pour le projet de travaux en cause (citant ici la jurisprudence CE, 22 juillet 2020, n° 429610).

En conséquence, la Cour de cassation retient, par une solution très claire, que les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) constituent, quelle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée, prévue par l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

En d’autres termes, dès lors qu’une activité fait l’objet d’une autorisation environnementale, l’absence de dérogation « espèce protégée » ne peut être utilement et compétemment invoquée que devant le juge administratif.

Jean-Baptiste OLLIER
Avocat