Par deux arrêts du 1er décembre 2023, la Cour administrative d’appel de Nantes a donné raison au candidat irrégulièrement évincé de l’attribution d’un contrat de délégation de service public et d’un marché public qui était le seul à avoir appliqué la bonne convention collective dans son offre. 

CAA Nantes, 1er décembre 2023, 22NT02443 et CAA Nantes, 1er décembre 2023, 22NTTO2445

 

En avril 2016, la communauté de communes Cœur de Nacre a engagé une consultation en vue de l’attribution de la délégation de service public afférente à l’exploitation de son centre aquatique, dénommé « Aquanacre », situé sur le territoire de la commune de Douvres-la- Délivrande. En août 2017, la communauté de communes Val ès Dunes lançait également une consultation en vue de l’attribution d’un marché de prestations de services portant sur l’exploitation de son centre aquatique situé sur le territoire de la commune d’Argences. La société Vert Marine se porte candidate dans ces deux procédures, sans succès.

La société Vert Marine saisit alors le Tribunal administratif de Caen par la voie du recours dit « Tropic ». Cette forme de recours est issue de la jurisprudence du Conseil d’Etat Tropic Travaux Signalisation du 16 juillet 2007. Elle permet à un candidat qui s’estime irrégulièrement évincé de la conclusion d’un contrat administratif de former devant le juge administratif un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Il appartient alors au juge, s’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, d’annuler, totalement ou partiellement, le contrat.

 

La société évincée a opté pour la demande d’indemnisation. Elle a réclamé la somme de 360 000 euros à la communauté de communes Val ès Dunes au titre de son éviction du marché de services et la somme de 300 000 à la communauté de communes Cœur de Nacre s’agissant de la délégation de service public. Par deux jugements du 9 juin 2022, ses recours étaient rejetés. La société a donc interjeté appel.

Au soutien de ses demandes, la société Vert Marine a fait valoir qu’elle était la seule candidate à avoir appliqué, dans son offre, la convention collective nationale du sport. Les autres candidats avaient tous fondé leur proposition sur la convention nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels. Or, comme le rappelle la Cour administrative d’appel :

« Il résulte des dispositions du code du travail […] que les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’un marché public ou d’une délégation de service public lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention. Par suite, une offre mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par le pouvoir adjudicateur et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si cette irrégularité peut constituer un avantage pour le candidat. »

 

Dès lors, il revenait à la juridiction administrative la charge de déterminer quelle convention devait effectivement être appliquée aux salariés d’un complexe aquatique qui comprend des équipements à vocation sportive mais également des espaces ludiques et de détente. La Cour administrative d’appel a opté pour la première option, en relevant que :

« Ce complexe propose des séances d’aquagym, des activités natatoires pour adultes et enfants, de l’apprentissage au perfectionnement en cours individuels ou collectifs, ainsi que des activités enfants de type Bébé nageurs. Un tel équipement a donc principalement une vocation sportive alors même qu’il comporte accessoirement des espaces ludiques et de détente, de type toboggan, pentagliss, lagune de jeux, bassin de loisirs et bassin ludique. L’activité ainsi exploitée ne se confond pas avec celle des parcs aquatiques entrant dans le champ d’application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d’attractions et culturels et relève dès lors de la convention nationale du sport. »

 

Les offres des autres candidats étaient donc irrégulières car n’appliquant pas la bonne convention. L’offre de la société Vert Marine « dont il n’est pas établi qu’elle aurait été inappropriée, irrégulière ou inacceptable, était ainsi la seule régulière ».

En revanche, s’agissant de la délégation de service public, le juge a considéré que la société requérante n’avait pas suffisamment justifié le montant qu’elle réclamait au titre du manque à gagner subi du fait de son éviction irrégulière. Sa demande indemnitaire de 300 000 euros a été rejetée intégralement.

En ce qui concerne le marché de services, la société Vert Marine a obtenu une indemnisation à hauteur de 112 000 euros. Le juge administratif a considéré que l’indemnisation du manque à gagner doit être calculée sur la période ferme (de 48 mois) et que la société concurrente, titulaire du marché, a pu obtenir un bénéfice de 28 000 euros sur la période initiale (et non 60 000 euros comme indiqué dans son compte prévisionnel d’exploitation) du fait de la situation sanitaire de 2020 et des variations du coût de l’énergie.