Des particuliers ont fait construire une maison d’habitation dont les plans prévoyaient au rez-de-chaussée une hauteur sous plafond de 2.70 mètres et au premier étage une hauteur sous plafond de 2.50 mètres.

En raison de la non prise en compte dans le cadre de la construction d’un plancher chauffant, la construction réalisée présentait une hauteur sous plafond en rez-de-chaussée de
2.48 mètres et au premier étage 2.20 mètres.

Dans le cadre de la contestation de ces malfaçons, la Cour d’Appel de Rennes (CA Rennes, n° 19/05549, 28 octobre 2021) a considéré que la responsabilité de l’architecte et de l’entreprise en charge des travaux de charpente était engagée.

La Cour d’Appel de Rennes a considéré que « la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l’exécution en nature de l’obligation méconnue sur le fondement de l’article 1184 du code civil » et que, « dans le cas d’espèce il résulte de l’expertise que la démolition reconstruction est la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle de la hauteur insuffisante du sous-plafond du rez-de-chaussée. La demande de démolition-reconstruction des époux A B sera donc accueillie ».

La Cour a ainsi condamné le maître d’œuvre, son assureur et l’entreprise de charpente à verser, in solidum, la somme de 389 848. 89 € TTC correspondant au coût de la démolition/reconstruction, la Cour rejetant la demande formée par les défendeurs sur le fondement de l’article 1221 du Code Civil, relative à la « disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

La Cour de Cassation (Cour de Cassation, Ch. Civ. 3, n° 22-10.884 du 6 juillet 2023, Bull) a cassé cet arrêt, en retenant que « en l’état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité lorsqu’elle est formée au titre de l’exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d’une demande de dommages-intérêts d’un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n’est pas tenu à un tel contrôle ».

La Cour poursuit : « la différence de traitement qui en résulte, tant au regard des droits et obligations des parties placées dans une situation semblable qu’en ce qui concerne l’office du juge, n’apparaît pas justifiée ».

Et la Cour d’en conclure pour casser et annuler l’arrêt de la Cour d’Appel, que :

« Il résulte des considérations qui précédent que le juge saisi d’une demande de démolition-reconstruction d’un ouvrage en raison des non-conformités qui l’affectent, que celle-ci soit présentée au titre d’une demande d’exécution forcée sur le fondement de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l’article 1221 du même code, ou sous le couvert d’une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.

En cas de disproportion manifeste, les dommages intérêts alloués sont souverainement appréciés au regard des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, dans le respect du principe de la réparation sans perte ni profit énoncé au point 8.

Pour allouer aux maîtres de l’ouvrage, à titre de réparation, une somme correspondant au coût de la complète démolition-reconstruction de l’immeuble, l’arrêt retient que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l’exécution en nature de l’obligation méconnue sur le fondement de l’article 1184 du code civil, qu’il s’agit de la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle résultant de la hauteur insuffisante du plafond du rez-de-chaussée et que le coût et l’importance des travaux portant sur le seul rehaussement du premier étage, associés à l’aléa d’une telle opération, ne permettent pas de retenir le caractère disproportionné d’une démolition-reconstruction.

En se déterminant ainsi, sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n’était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, la cour d’appel, qui ne s’est déterminée qu’en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Ainsi, que l’obligation faite à l’architecte et au constructeur de réparer le préjudice subit se fasse au titre de l’exécution forcée du contrat ou en nature, ou à titre de dommages et intérêts, le juge doit donc déterminer si « la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n’était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues ».

 

Vincent LACROIX

Avocat Associé