Dans une décision du 25 janvier 2023, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté du 11 avril 2022 modifiant l’arrêté du 21 juin 2016 établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques en application de l’article R. 318-2 du code de la route, en ce qu’il avait pour effet d’accorder à certains véhicules biodiesel une classification équivalente à celle des véhicules essence (vignette Crit’Air 1), la rendant alors plus favorable que les véhicules diesel (vignette Crit’Air 2) .

Conseil d’Etat, 25 janvier 2023, Société Gaz’Up et autres, n° 465058

Concrètement, cet arrêté avait pour but de modifier la classification de certains véhicules (poids-lourds, autobus et autocars biodiesel en fonction de leur date d’immatriculation) pour l’attribution des certificats de qualité de l’air (plus connues sous le nom de vignettes Crit’Air). Or, c’est à partir de cette classification que les autorités mentionnées à l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales définissent les mesures de restriction de la circulation des véhicules automobiles applicables dans les zones à faibles émissions mobilité (ZEF-m) qu’elles ont délimitées afin de lutter contre la pollution atmosphérique.

En l’espèce, plusieurs entreprises spécialisées dans la distribution de gaz naturel pour véhicules ont formé un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 11 avril 2022, en estimant que le classement, par ledit arrêté, des véhicules biodiesel au même niveau que les véhicules roulant au gaz ou à l’essence, engendrait une concurrence pouvant nuire au développement de cette source d’énergie.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat, pour annuler l’arrêté en cause, se fonde sur l’incompétence de la Ministre chargée de la transition écologique, de l’environnement et des transports qui a pris un arrêté, seule alors que la législation prévoit que les critères de classement des véhicules comme des conditions d’application de l’article R. 318-2 du code de la route doivent être fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, des transports et de l’intérieur.

Ensuite, le Conseil d’Etat considère que l’arrêté en cause aurait dû être précédé, à peine d’illégalité, d’une consultation préalable du public conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement. Selon le Conseil, l’arrêté doit être regardé comme ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, rendant de ce fait applicables les dispositions précitées du code de l’environnement.

En effet, pour le Conseil d’Etat, au regard de sa portée et de sa finalité, l’arrêté ne saurait avoir un autre effet, dans la mesure où il accorde aux véhicules biodiesel une classification équivalente à celle des véhicules essence, plus favorable que les véhicules diesel, facilitant de la sorte la circulation d’une catégorie de véhicules. Or, il ne peut être contesté que ces derniers émettent des polluants atmosphériques.

Et, comme l’indique le rapporteur public dans ses conclusions, en réponse au moyen prétendant que l’incidence serait marginale, au vu du fait de la faible taille actuellement de la flotte de véhicules concernés :

« Cette objection nous semble toutefois devoir être surmontée en raison précisément de la dimension incitative des choix de classement : le classement plus favorable d’un type de véhicule, par rapport à un autre, place le type mieux classé dans une dynamique de croissance de ses parts de marché. Il ne s’agit pas de savoir à ce stade si cette croissance est bénéfique ou nuisible à la lutte contre la pollution atmosphérique – cette question relève du débat sur le fond. En tout cas, dès lors que sont en cause des véhicules qui émettent des polluants atmosphériques, les niveaux d’émissions sont susceptibles d’être affectés bien davantage qu’à proportion de la flotte actuelle des véhicules concernés. »

Cette consultation préalable du public est donc nécessaire, quand le changement de nomenclature entraîne un effet négatif sur l’environnement.

Pour considérer que l’arrêté modifiant la classification des véhicules pour l’attribution des vignettes Crit’Air a une incidence sur l’environnement, le Conseil d’Etat retient que cette classification permet aux collectivités de définir les mesures de restrictions qu’elles appliquent sur leur territoire, dans le cadre des ZFE-m. Or, l’arrêté attaqué, et annulé par le Conseil d’Etat, en attribuant une classification (Crit’Air1) plus favorable qu’aux véhicules diesel (Crit’Air2), faciliterait la circulation de véhicules concernés (certains poids-lourds, autobus et autocars biodiesel) qui émettent bien des polluants atmosphériques, et ce quelles que soient les mesures qu’adopteront les collectivités ; notamment, comme le rappelle le rapporteur public, quand en dehors du cadre des ZFE-m, le préfet met en place des restrictions temporaires en cas de pics de pollution : l’arrêté a donc une incidence directe et significative sur l’environnement.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat suit les conclusions de son rapporteur, en n’analysant pas le fond du dossier à ce jour, laissant aux ministres apprécier le parti à adopter dans le cadre du classement des véhicules, au vu des données à disposition.

Léana LEGER