Par un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a jugé que la démolition d’une construction dont le permis a été annulé peut être justifiée par une insuffisance de l’étude d’impact.

Cour de cassation, Civ 3ème, 11 janvier 2023, n°21-19.778

Dans cette affaire, un permis de construire autorisant une installation de production d’énergie renouvelable éolienne a été définitivement annulé par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 8 novembre 2017.

Suite à cette annulation, des associations ont sollicité auprès de la juridiction judiciaire, la démolition du parc éolien déjà construit en exécution du permis de construire annulé.

Par un arrêt du 3 juin 2022, la Cour d’Appel de Montpellier a refusé de faire droit à la demande de démolition en jugeant que :

« Ainsi, il s’évince de cet arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d’appel de Marseille devenu définitif par le rejet du pourvoi par l’arrêt du 18 novembre 2017 du Conseil d’Etat, que l’annulation de l’arrêté préfectoral du 24 avril 2013 était motivée par une insuffisance de l’étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux dans le massif de l’Escandorgue au moment où le préfet de l’Hérault a pris cet arrêté accordant le permis de construire du parc éolien de Bernagues à la SARL Energie Renouvelable du Languedoc (ERL), et ce, nonobstant d’abord les études complémentaires sur ce couple d’aigles royaux produites par cette société devant la juridiction administrative de première instance et celle d’appel, et ensuite des prescriptions édictées par le préfet dans le cadre de la législation sur les installations classées afin de prendre en compte les incidences prévisibles du projet de parc éolien sur le couple d’aigles royaux de l’Escandorgue.

Dès lors, il résulte de l’ensemble de ces considérations de fait et de droit que la construction du parc éolien de Bernagues n’a pas été édifiée par la SARL Energie Renouvelable du Languedoc (ERL) en méconnaissance de règles d’urbanisme ni de servitudes d’utilité publique applicables en l’espèce, véritables règles de fond en matière d’utilisation des espaces et non simples règles de procédure, au sens de l’article L. 480-13 a) énoncé ci-dessus ».

Saisie d’un pourvoi en cassation, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme :

« 9. Selon le premier de ces textes, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l’Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l’article L. 600-6, si la construction est située dans l’une des zones limitativement énumérées ». 

Sur ce fondement, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier en jugeant que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique ayant entraînée l’annulation du permis de construire peut fonder une action en démolition :

« 11. Il en résulte que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.

12. Pour rejeter les demandes, l’arrêt relève qu’il s’évince de l’arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d’appel que l’annulation de l’arrêté préfectoral du 24 avril 2013 était motivée par une insuffisance de l’étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux dans le massif de l’Escandorgue au moment où le préfet de l’Hérault a pris cet arrêté.

13. Il en déduit que la construction du parc éolien de [Localité 4] n’a pas été édifiée par la société ERL en méconnaissance de règles d’urbanisme ni de servitudes d’utilité publique applicables en l’espèce, véritables règles de fond en matière d’utilisation des espaces et non simples règles de procédure, au sens de l’article L. 480-13, a), du code de l’urbanisme.

14. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 

Pierre VIELLARD