Par un arrêt en date du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat a opéré un revirement important concernant les conséquences d’une demande de pièces complémentaires illégale au cours de l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Conseil d’Etat, 9 décembre 2022, n°454521

Il convient de rappeler, qu’aux termes des dispositions des article R. 423-38 et R. 423-39 du code de l’urbanisme, lorsque le dossier de demande d’autorisation d’urbanisme est jugé incomplet par le service instructeur, celui-ci peut adresser au pétitionnaire une demande de pièces complémentaires qui a pour effet d’interrompre le délai d’instruction de la demande d’autorisation.

En matière de demande de pièces complémentaires en cours d’instruction, l’administration ne peut exiger d’autres pièces que celles limitativement énoncées par le code de l’urbanisme.

Ainsi, en matière de permis de construire, les dispositions de l’article R. 431-4 du code de l’urbanisme prévoient :

« La demande de permis de construire comprend :

  1. a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ;
  2. b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ;
  3. c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1.

Pour l’application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu’il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus.

Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l’autorité compétente ».

Toutefois, et depuis une jurisprudence dite Commune d’Asnières-sur-Nouère du 9 décembre 2015, le Conseil d’Etat jugeait jusqu’à présent qu’une demande illégale de pièces complémentaires par l’administration avait tout de même pour effet d’interrompre le délai d’instruction. Ainsi, la demande illégale de pièces complémentaires ne pouvait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme tacite. (Conseil d’Etat, 9 décembre 2015, n°390273).

Par son arrêt en date du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat opère donc un revirement important en considérant désormais qu’une demande de pièces complémentaires illégale, d’une part, ne peut avoir pour effet de prolonger le délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme, et, d’autre part, ne fait pas obstacle à la naissance d’une décision implicite d’acceptation :

« 5. Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l’urbanisme relatives à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle. »

Ainsi, il conviendra désormais pour les services instructeurs de porter une attention particulières aux demandes de pièces complémentaires au risque de voir naître, au profit du pétitionnaire, une autorisation tacite.

Pierre VIELLARD