Le Juge administratif retient très rarement l’intérêt public majeur d’un projet, au sens de l’article L 411-2 du Code de l’Environnement, et les décisions écartant cette qualification sont légion depuis plusieurs années.

Dans ce contexte, le jugement du Tribunal Administratif de Grenoble, apporte un nouvel éclairage, puisque le Tribunal reconnait l’intérêt public majeur pour un projet de renouvellement et d’extension d’une carrière.

Tribunal Administratif de Grenoble, 4 octobre 2022, n° 1908299

Le Tribunal, pour retenir cet intérêt public majeur retient les besoins en matériaux de construction, le déficit de production locale et le coût de transport des matériaux, et considère qu’il n’existe pas « de solution alternative satisfaisante » pouvant être mise en œuvre.

 

Le Tribunal détaille précisément les éléments de fait l’ayant conduit à cette conclusion :

« …il ressort des pièces du dossier que le besoin en matériaux de construction en Haute-Savoie est supérieur à celui du reste de la France et que la zone Annemasse/Thonon-les-Bains représente 38 % de la consommation en granulats. Il ressort également de la note de la DREAL Auvergne-Rhône Alpes du 11 juin 2019 que trois des six carrières présentes en Chablais, dont la carrière litigieuse, voyaient leur autorisation arriver à échéance alors qu’elles représentaient à elles trois 65 % des capacités de production locale en granulats à béton et la SAS des Carrières Chablaisiennes indique dans son dossier de demande de dérogation que la carrière de Le Lyaud représente une production d’environ 25 % de la production totale de l’arrondissement de Thonon. Par ailleurs, les autres carrières plus éloignées qui seraient géographiquement susceptibles d’alimenter cette zone de chalandise sont elles-mêmes soumises à une très forte demande. Ainsi, en partant du scénario le moins consommateur de matériaux (accueil de population réduit et forte augmentation du recyclage à hauteur du plan régional de prévention et de gestion des déchets), la DREAL envisage un manque de matériaux en 2030 de l’ordre de 515 kilotonnes par an et estime que la situation serait critique dès 2021 en prenant en compte la production de la carrière de Le Lyaud. Alors que la DREAL indique que les résultats de l’enquête annuelle sur les carrières montrent que seuls 5% des matériaux neufs produits localement ont été exportés en Suisse en 2017, les éléments produits par les requérantes relatives aux importations suisses ne permettent pas de remettre en cause cette situation ».

Cette décision apporte un éclairage intéressant sur cette notion d’intérêt public majeur, et ouvre, peut-être, de nouvelles perspectives. A suivre…