Dans une décision du 28 janvier 2022, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par un soignant non vacciné qui avait été suspendu de ses fonctions, dès lors que l’obligation de vaccination des personnels soignants ne méconnait pas la Constitution et notamment ni le droit à la protection de la santé du corps humain et le droit à la dignité de la personne humaine, ni le principe d’égalité, ni le droit à l’emploi.

 

Conseil d’Etat, 28 janvier 2022, n° 458261

 

Le Directeur du centre hospitalier d’Arpajon avait suspendu de ses fonctions un soignant jusqu’à ce qu’il produise un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination, en application des articles 12 et 14 de la loi du 2 août 2021 relative à la crise sanitaire, qui prévoient respectivement l’obligation vaccinale des personnels soignants et leur suspension en l’absence de vaccination.

 

A l’occasion du référé par lequel il a sollicité la suspension de cette décision, le soignant a demandé au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 12 et 14 de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire.

 

Le Conseil d’Etat a cependant refusé de procéder à un tel renvoi, en écartant le caractère sérieux de la question posée.

 

En premier lieu, le Conseil d’Etat a écarté la méconnaissance par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la crise sanitaire, qui instaure l’obligation vaccinale pour le personnel soignant, du droit à la protection de la santé, de l’inviolabilité du corps humain et du droit à la dignité de la personne humaine pour les soignants, après avoir rappelé qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective, ainsi que de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques.

 

Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que :

« 6. En adoptant, pour l’ensemble des personnes exerçant leur activité dans Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l’exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d’une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l’épidémie de Covid-19 accompagné de l’émergence de nouveaux variants et compte tenu d’un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par Les vaccins disponibles et protéger, par l’effet de la moindre transmission du virus par Les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés.

7. Cette obligation vaccinale ne s’impose pas, en vertu de l’article 13 de la même loi du 5 août 2021, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d’un certificat de rétablissement. Par ailleurs l’article contesté donne compétence, en son IV, au pouvoir réglementaire, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques et après avis de la Haute autorité de santé, pour suspendre cette obligation pour tout ou partie des catégories de personnes qu’elle concerne. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la vaccination contre la Covid-19, dont l’efficacité au regard des deux objectifs rappelés au point 6. est établie en l’état des connaissances scientifiques, n’est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que Les dispositions qu’elle conteste, qui sont justifiées par une exigence de santé publique et ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif qu’elles poursuivent, portent atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé garantie par le Préambule de la Constitution de 1946, à l’inviolabilité du corps humain et au principe constitutionnel de respect de la dignité de la personne humaine. »

 

Le Conseil d’Etat a également rejeté le moyen tiré de la méconnaissance par l’article 12 du principe d’égalité, en retenant que :

 

« 8. D’une part, Les dispositions contestées s’appliquant de manière identique à l’ensemble des personnes qui exercent leur activité professionnelle au sein des établissements de santé, qu’elles fassent ou non partie du personnel soignant, la requérante ne saurait utilement soutenir qu’elles méconnaissent, pour ce motif, le principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Au surplus, compte tenu de la profession d’ergothérapeute exercée par Mme D…, Les dispositions attaquées ne sont, en tant qu’elles s’appliquent à des personnels hospitaliers non soignants, pas applicables au présent litige.

 9. D’autre part, la circonstance que Les dispositions contestées font peser sur Les personnes exerçant une activité au sein des établissements de santé une obligation vaccinale qui n’est pas imposée, notamment, aux personnels des établissements scolaires et universitaires, constitue, compte tenu des missions des établissements de santé et de la vulnérabilité des patients qui y sont admis, une différence de traitement en rapport avec cette différence de situation, qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. »

 

En second lieu, le Conseil d’Etat a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l’emploi par l’article 14 de la loi du 5 août 2021, qui autorise la suspension de fonction des personnels non vaccinés, au motif que :

 

« 11. Les dispositions contestées ne portent par elles-mêmes aucune atteinte au droit à l’emploi, notamment pour des personnes qui n’étaient pas encore employées dans un établissement public de santé à la date d’entrée en vigueur de la loi. S’agissant des personnes qui y étaient employées à cette date et qui refusent de se soumettre, en dehors des motifs prévus par la loi, à l’obligation vaccinale, elles prévoient non pas la rupture de leur contrat de travail ou la cessation de leurs fonctions, mais la suspension du contrat de travail ou des fonctions exercées jusqu’à ce que l’agent produise Les justificatifs requis. »

 

Le Conseil d’Etat a donc conclu que les dispositions attaquées opéraient une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles qui découlent du droit à l’emploi et du droit à la protection de la santé, et que la question prioritaire de constitutionnalité, qui n’était pas nouvelle, ne présentait pas de caractère sérieux et n’avait pas à faire l’objet d’un renvoi au Conseil constitutionnel.