L’exercice du droit à dénonciation d’un harcèlement moral doit être concilié avec le respect de l’obligation de réserve, à laquelle sont tenus les fonctionnaires et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression.

 

CE, 29 décembre 2021, n°433838

 

Dans cette affaire, un courrier électronique dénonçant des faits de harcèlement avait été adressé par un agent aux élus de la Commune. Le Maire, qui considérait que l’agent avait manqué à son devoir de réserve en envoyant ledit courriel, décidait de le sanctionner et lui infligeait un blâme.

 

En première instance, les juges faisaient droit à la demande de l’agent et annulaient notamment la sanction litigieuse et la décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service de son état de santé, en se fondant sur l’existence d’un harcèlement moral. En appel, en revanche, si les juges confirmaient l’annulation de la décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service, ils infirmaient le jugement s’agissant de la sanction disciplinaire et ne se prononçaient pas sur l’existence, ou non, d’un harcèlement moral.

 

Le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi de l’agent, jugeait alors que le fait que les fonctionnaires ne puissent pas être sanctionnés pour avoir dénoncé un harcèlement moral, ne les dispensait pas de concilier l’exercice de leur droit à dénonciation avec le respect de leurs obligations déontologiques, et notamment le devoir de réserve.

Et la Haute juridiction précisait que le juge administratif, saisi de la contestation d’une sanction infligée à un fonctionnaire à raison d’une telle dénonciation, pour apprécier l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve, doit tenir compte :

  • des agissements de l’administration, dont le fonctionnaire s’estime victime ;
  • des conditions dans lesquelles les faits ont été dénoncés (propos tenus, destinataires et démarches préalablement accomplies).

En l’espèce, le Conseil d’Etat cassait l’arrêt de la Cour administrative d’appel, qui avait retenu que l’agent avait manqué à son devoir de réserve dès lors que le courriel était formulé en termes excessifs et était adressé à un large cercle d’élus, jugeant que les agissements dont le fonctionnaire s’estimait victime n’avaient pas été pris en compte.

 

Cet arrêt laisse un peu sur sa faim, dans la mesure où, finalement, on ignore si les faits dénoncés par l’agent étaient avérés.