Le principe dégagé par la jurisprudence « Thalamy » est que lorsqu’une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, ou sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble du bâtiment. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation.

 

Lorsque l’autorité administrative n’a pas été saisie d’une demande portant sur l’ensemble du bâtiment irrégulièrement édifié et qu’elle a néanmoins délivré l’autorisation sollicitée, l’illégalité de cette autorisation ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même code.

 

CE, 6 octobre 2021, n° 442182

 

Dans cette affaire, un pétitionnaire s’était vu délivrer un permis de construire en vue de la réhabilitation d’une construction existante. Cette réhabilitation portait sur l’agrandissement des ouvertures d’une façade, la réfection de la toiture et du garage. Le précédent propriétaire de la construction avait  ajouté un garage et réalisé une toiture en pente pour pouvoir aménager des combles, alors que le permis autorisait seulement un toit terrasse. Puis, le pétitionnaire, actuel propriétaire, avait réalisé des travaux de réhabilitation, notamment en recentrant le faîtage de la toiture pour agrandir la surface de plancher sous les combles, sans autorisation. La demande d’autorisation, objet de la décision du Conseil d’Etat, dont il est ici question, portait sur de nouvelles modifications du garage et de la toiture.

 

Par un jugement n° 1704275 du 10 avril 2020, le Tribunal administratif de Toulon a annulé l’autorisation délivrée.

 

Le bénéficiaire du permis de construire contestait notamment le fait que le Tribunal administratif de Toulon avait refusé de faire droit à la demande de régularisation.

 

Le Conseil d’Etat a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Toulon du 10 avril 2020, en considérant que lorsque l’autorité administrative, saisie d’une demande relative à des travaux projetés sur une construction irrégulière édifiée ou modifiée qui ne porte pas sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé, a illégalement accordé l’autorisation de construire qui lui était demandée, au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l’ensemble des éléments qu’il aurait lui dû soumettre, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même code.

 

Le rapporteur public, Monsieur Vincent Villette, précisait dans ses conclusions, dans cette affaire, trois motifs pour justifier le refus de faire application des dispositions des articles L. 600-5-1 et L. 600-5 du code de l’urbanisme :

  • « la mécanique du L. 600-5-1, qui suppose au stade du premier jugement de cibler tous  les vices pour ensuite, le cas échéant, ouvrir la porte de la régularisation se heurte ici au fait  que l’illégalité qui se situe très en amont, rend impossible l’appréhension des éventuels  autres vices. »

 

  • « le juge serait alors le premier à appréhender la question de savoir si la construction – prise dans son ensemble – peut prétendre à un permis légal au regard des dispositions applicables à la date à laquelle il statue. »

 

  • «  l’illégalité de l’acte ne découle pas d’une véritable erreur de la part de l’administration, mais plutôt de ce  qu’elle a été saisie – sans souvent s’en rendre compte – d’une demande occultant les travaux  « clandestins » antérieurs. »

 

Ainsi, la régularisation ne peut porter que sur l’ensemble des travaux réalisés irrégulièrement, même si ceux-ci sont anciens, et il n’y a pas de régularisation « partielle » possible.