CE, 13 septembre 2021, Commune de Dourdan, n° 439653

Par une décision en date du 13 septembre 2021, le Conseil d’État a été amené à conjuguer deux principes bien connus en droit des collectivités territoriales, d’une part, l’interdiction pour une collectivité publique de céder à vil prix un élément de son patrimoine et, d’autre part, le respect du droit à l’information des élus municipaux qui se matérialise, entre autres choses, dans les communes de 3 500 habitants et plus, au travers de la note de synthèse qui leur est transmise avant le vote.

Dans cette affaire, une commune avait donné à bail emphytéotique administratif un ensemble de terrains en vue de la construction et de l’exploitation d’un village de vacances. Le bail stipulait qu’à son expiration, la collectivité publique acquerrait la propriété des constructions édifiées par l’emphytéote sans avoir à lui verser d’indemnité.

Néanmoins, antérieurement à l’expiration du bail, le conseil municipal était amené à approuver par délibération la vente à l’emphytéote des terrains et du village vacances actant, par là même, le renoncement implicite de la commune à l’acquisition des constructions à titre gratuit.
Saisi de la légalité de cette décision, le Conseil d’État rappelle deux principes.

Premièrement, le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé, sauf à ce que la cession soit justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes (CE, Section, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473).

Deuxièmement, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour ; cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions (CE, 14 novembre 2012, Commune de Mandelieu-la-Napoule, n° 342327).

Ce qui lui permet de juger en l’espèce que : « 10. Il résulte de l’instruction que si la note explicative de synthèse adressée aux membres du conseil municipal indiquait que le bail emphytéotique conclu avec la société Dourdan-Vacances était d’une durée de soixante ans à compter du 1er janvier 1962 et précisait qu’à l’expiration du contrat, le bâti devait revenir en pleine propriété à la commune, elle ne comportait aucun élément permettant d’apprécier la valeur de la renonciation à ce droit, les avis émis par le service des domaines ne comportant par ailleurs aucun élément à cet égard et se bornant à évaluer les terrains d’assiette. Dans ces conditions, les membres du conseil municipal n’ont pas été mis à même d’apprécier si la différence entre le prix envisagé et l’évaluation fournie par le service des domaines pouvait être regardée comme représentative de l’indemnité due à la commune pour sa renonciation au droit d’accession et, par suite, si la commune pouvait être regardée comme n’ayant pas cédé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur ».

Le Conseil d’État rappelle donc dans son arrêt que la commune pouvait renoncer à l’acquisition des constructions à titre gratuit ; mais il lui appartenait en ce cas, de chiffrer la valeur d’une telle renonciation, ce qui aurait pu être établi par rapport aux « coûts de rénovation et de remise aux normes des constructions inhérents à la poursuite de leur exploitation » (Considérant 4).

Par suite, le Conseil d’État annule la délibération.

Au regard de cette décision, on ne peut donc que recommander de toujours porter à la connaissance des membres de l’organe délibérant, préalablement au vote, le montant du « manque à gagner » pour la collectivité publique dans l’hypothèse où elle renoncerait au retour à titre gratuit des biens construits par l’occupant du domaine public durant la validité de son titre, quelle que soit sa nature : autorisation d’occupation du domaine public « classique », bail emphytéotique administratif (BEA) ou autorisation d’occupation du domaine public constitutive (AOT) de droits réels.