Par un arrêt en date du 11 juin 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé qu’en vertu du principe d’indépendance des législations, le préfet ne peut mettre en demeure l’exploitant d’une installation classée, pour le non-respect des prescriptions prévues par le code  de l’urbanisme.

CAA de Marseille, 11 juin 2021, 19MA03834

Par un arrêté en date du 17 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a mis en demeure la société Traitement Eco Compost de cesser immédiatement la réception de tout déchet dans le centre de traitement de déchets verts qu’elle exploite ainsi que de lui communiquer, sous un mois, l’acte de cessation d’activité et la mise en sécurité du site ainsi que sa remise en état.

Par un jugement n° 1807090 en date du 11 juin janvier 2019, l’exploitante, qui avait sollicité l’annulation de l’arrêté préfectoral en question, a vu sa requête rejetée par le Tribunal administratif de Marseille.

La société a interjeté appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Marseille, en soutenant notamment que l’arrêté litigieux était « entaché d’une erreur de droit et d’un détournement de procédure, dans la mesure où il est fondé sur des considérations tenant au droit de l’urbanisme étrangères à la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement ».

En droit, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé, d’une part, les dispositions de l’article L. 171-8 du code de l’environnement permettant au préfet de mettre en demeure les installations classées ne respectant pas les prescriptions du code l’environnement :

« I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d’inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l’autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l’obligation d’y satisfaire dans un délai qu’elle détermine. En cas d’urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement.

II.- Lorsque la mise en demeure désigne des travaux ou opérations à réaliser et qu’à l’expiration du délai imparti l’intéressé n’a pas obtempéré à cette injonction, l’autorité administrative compétente peut : (…)

2° faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites (…)

3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations ou l’exercice des activités jusqu’à l’exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure (…) ».

Et, d’autre part, le juge d’appel a évoqué les dispositions de l’article L. 123-5 du code l’urbanisme qui rend opposable les plans locaux d’urbanisme à l’ouverture d’installations classées :

« Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l’ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan (…) »

Il ressort de ces dispositions que :

« 5. Si, en application des dispositions de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, le préfet est tenu de mettre en demeure l’exploitant d’installations classées qui ont fait l’objet de la déclaration requise en cas d’inobservation des prescriptions applicables en vertu de ce même code, et s’il peut par ailleurs et, le cas échéant, suspendre le fonctionnement de l’installation jusqu’à l’exécution complète des conditions imposées, il ne saurait légalement se fonder sur ces dispositions pour ordonner la fermeture de cette installation au motif que son ouverture serait incompatible avec les dispositions du plan local d’urbanisme et qu’elle méconnaîtrait ainsi les prescriptions du premier alinéa de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme, dès lors que ces dernières dispositions procèdent d’une législation distincte de celles du code de l’environnement régissant les installations classées pour la protection de l’environnement et obéissent à des considérations différentes ».

Au cas présent, le préfet avait motivé son arrêté de mise en demeure en date du 17 août 2018 par le fait que « les activités de la société ne sont pas autorisées au regard des documents d’urbanisme » et que « la régularisation administrative des activités de la société ne peut être envisagée compte tenu de ce que le règlement du plan local d’urbanisme de la commune classe le secteur de la société en zone agricole et ne permet pas les activités ICPE ».

Dès lors, en se fondant sur un motif étranger aux dispositions du code de l’environnement pour fonder son arrêté de mise en demeure, « le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 171-8 de ce code ».

Ainsi, par cet arrêt, la Cour administrative d’appel vient préciser l’application du principe d’indépendance des législations aux installations classées.