Saisi, pour la première fois, par la Ville de Lyon d’une assignation tendant à voire constater et prononcer une amende civile à l’encontre d’une SCI se livrant à une activité illégale de location meublée de courte durée (Airbnb, Booking), le Tribunal Judiciaire de Lyon vient de condamner ladite SCI à payer une amende civile de 21 000 euros. 

Tribunal Judiciaire de Lyon, Ville de Lyon c. SCI X, 31 mai 2021, RG 21/00734

 

Afin de lutter contre la pénurie de logements et de limiter la hausse du coût des logements sur le territoire de la Ville de Lyon, la Métropole de Lyon a adopté un règlement fixant les conditions de changement d’usage, permettant d’encadrer l’activité de locations meublées courte durées (type Airbnb) comme le permettent les dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation. Ce règlement prévoit que le propriétaire, l’exploitant ou le locataire qui souhaiterait louer son bien pour de courtes durées à une clientèle de passage doit informer la Ville de Lyon et obtenir une autorisation préalable de changement d’usage avec compensation. Ledit règlement, dans sa version applicable au 1er février 2018, vient d’être validé par la Cour administrative d’appel de Lyon, par trois décisions du 1er juin 2021, que nous avions également commenté. 

 

Et il sera observé que le fait de ne pas se conformer à de telles obligations expose le contrevenant à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé (Article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation).

Au visa de ces dispositions, le code de la construction et de l’habitation a ouvert la possibilité pour les collectivités concernées par ce dispositif, si elles constatent des infractions aux règles de changement d’usage, de saisir le Tribunal Judiciaire (en procédure accélérée au fond) d’une demande tendant à voir condamner les contrevenants au paiement d’une amende civile et ordonner le retour à l’usage d’habitation des lieux, le cas échéant, sous astreinte.

 

Au cas présent, une SCI avait acquis, en 2017, un appartement à usage d’habitation en vue de l’affecter à de la location meublée de courte durée (activité commerciale). En exerçant cette activité commerciale, sans autorisation préalable, la SCI en question contrevenait donc clairement aux dispositions du code de la construction et de l’habitation.

La Ville de Lyon a donc saisi le Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir constater l’infraction, condamner la SCI au paiement d’une amende civile et ordonner le retour à l’usage d’habitation.

Deux questions principales se posaient au juge et concernaient, d’une part, la preuve de l’usage d’habitation, et d’autre part, le montant de l’amende civile.

En premier lieu, le juge a considéré que :

« (…) l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation rappelle que : « Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Que cette affectation peut être établie partout mode de preuve ».

Qu’il appartient dès lors à la juridiction saisie d’apprécier in concreto, si la Commune de Lyon justifie de l’usage du bien en cause au 1er janvier 1970, notamment en produisant le formulaire H2 ou tout autre élément de preuve.

Que l’affectation de l’appartement à usage d’habitation est corroborée par la production du règlement de copropriété du 12 février 1960, lequel indique que 23 lots à usage d’habitation sont créés. Que l’immeuble est destiné à l’habitation bourgeoise et que les co-propriétaires ne pourront transformer leur appartement en hôtel meublé, pension de famille, le commerce des chambres meublées sous quelque forme que ce soit est formellement interdit.

Qu’il s’en suit que le changement d’usage irrégulier du lot acquis par la SCI est pleinement démontré par la Commune de Lyon. »

 

En second lieu, et après avoir caractérisé l’infraction, le juge a fixé le montant de l’amende comme suit :

« Attendu s’agissant du montant de l’amende civile à prononcer qu’il convient de tenir compte notamment des circonstances du dossier, de la bonne foi des propriétaires, du profit généré par les locations illégales oude leur impact sur la pénurie de logement.

Qu’au cas d’espèce, il sera rappelé que la Commune de Lyon a mis en demeure à de multiples reprises la SCI de se mettre en conformité avec la réglementation applicable relative au changement d’usage des locaux d’habitation.

Que par une décision en date du 10 janvier 2019 la Ville de L on a refusé la demande de changement d’usage formulée par la SCI en ce que le dossier de demande méconnaissait les dispositions de l’article 12 du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations en application du Code de la construction
et de l’habitation.

Que cette décision n’a pas été contestée par la SCI et est devenue définitive.

Que pour autant, la SCI a décidé de poursuivre en toute connaissance de cause, son activité de location de courte durée.

Qu’elle ne peut dès lors se prévaloir de sa bonne foi.

Attendu que sur la base d’un prix moyen de 120.€ par nuit tel que constaté par l’agent assermenté sur les sites Booking et Airbnb, à raison d’un taux de réservation moyen de 50% tenant compte de la crise sanitaire, le gain annuel serait de 21 900 par an.

Que la SCI justifie de la signature d’un bail meublé d’un an avec des locataires, le 18 mars 2021, moyennant le versement d’un loyer mensuel de 1 250 E, soit 15 000 par an.

Que la marge nette par an s’élève dès lors à 6 900 €, soit pour une période de 3 ans (1er février 2018 / mars 2021), un gain supplémentaire par rapport à une location longue durée de 20 700 €, arrondie à 21 000€. »