Par une ordonnance en date du 9 avril 2021, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a suspendu partiellement la délibération du Syndicat du Pays de Maurienne approuvant le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) en tant qu’elle concerne la création de 5 UTN structurantes (liaisons entre pistes de ski et extension du domaine skiable).

TA Grenoble 9 avril 2021, n°2101609

Dans cette affaire, l’association France Nature environnement a demandé la suspension de la délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du Syndicat du Pays de Maurienne a approuvé le SCoT du pays de Maurienne.

En premier lieu, il sera observé que s’agissant d’un référé-suspension dirigé contre une décision d’aménagement précédée d’une enquête publique, la procédure est régie par l’article L.123-1-6 du code de l’environnement, lequel indique qu’en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur, le juge « fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci ».

Autrement dit, en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur, la condition d’urgence est acquise.

C’est ce qu’a constaté le juge des référés s’agissant des conclusions défavorables rendues sur plusieurs UTN structurantes du SCoT du Pays de Maurienne. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’analyse et la qualification d’ « avis défavorable » a fait l’objet d’une analyse précise et au cas par cas par le juge des référés.

Pour le reste, et s’agissant de l’urgence à suspendre les parties du SCoT n’ayant pas fait l’objet d’un avis défavorable, le juge des référés a appliqué les dispositions classiques de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Et constatant que « ce n’est pas la délibération approuvant le SCoT, qui n’autorise par elle-même la réalisation d’aucuns travaux, ni l’édification d’aucune installation ou construction, qui est susceptible de créer une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendues par les l’association requérantes », le juge des référé a considéré que la condition d’urgence n’était pas remplie pour « pour le surplus des conclusions à fin de suspension, à savoir celles dirigées les autres parties du SCoT ».

En second lieu, et s’agissant des UTN pour lesquelles un avis défavorable avait été rendu, le juge des référés, fondant notamment son analyse sur « l’avis extrêmement critique » rendu par l’autorité environnementale, a jugé que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L.122-15 et L.101-2 (erreur manifeste d’appréciation) du code de l’urbanisme étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

« 20. Au vu des pièces du dossier, et en particulier de l’avis délibéré émis par la mission régionale d’Autorité environnementale (MRAe n°2019-ARA-AUPP-00730) extrêmement critique quant au contenu du rapport de présentation du SCoT, et malgré les correctifs apportés sur certains points dans les documents du SCoT approuvé, ce moyen paraît propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

[…]

22.A cet égard, l’avis susmentionné de la MRAe note en particulier l’absence totale d’attention du SCoT à la grande qualité des espaces remarquables, (…) l’interconnexion de la Croix du Sud, l’extension des domaines skiables de Val Cenis ou d’Aussois sont susceptibles de causer des dommages très significatifs, voire irréversibles à des milieux écologiques d’une valeur exceptionnelle. De même, il y a lieu de relever les avis défavorables, ou les recommandations précises conditionnant des avis formellement favorables, émis par la commission d’enquête à propos des UTN structurantes portant les numéros n°2, n°3, n°5, n°7 (col des Hauts) et n° 8. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des orientations générales du document n’offrant « aucune alternative prenant en compte la protection et la valorisation de l’environnement », ce moyen est également propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée en tant qu’elle crée ces unités touristiques nouvelles.

23. Il en va de même, pour les mêmes raisons, du moyen selon lequel les auteurs du SCoT ont entaché leur appréciation d’une erreur manifeste d’appréciation quant aux conséquences négatives des UTN structurantes sur le respect des grands équilibres que garantissent les dispositions de l’article L. 101- 2 du même code, en particulier s’agissant de la prévention des risques naturels, la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’eau, du sol, de la biodiversité, des écosystèmes, du bon état des continuités écologiques et de la lutte contre le réchauffement climatique. »

Par suite, le juge des référés a prononcé la suspension de l’exécution de la délibération du Syndicat du Pays de Maurienne en date du 25 février 2020.