Par une décision du 15 décembre 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’un classement illégal de plusieurs parcelles en zone constructible d’un PLU était de nature à engager la responsabilité d’une Commune auteur du PLU.

Dans cette affaire, la Commune de Menthon-Saint-Bernard a été condamnée à verser à deux acquéreurs de terrains illégalement classés en zone constructible la somme globale de 2 182 056,50 euros et de 391 269,47 euros. 

Cour administrative d’appel de Lyon, 15 décembre 2020, n°19LY00121

Le 9 novembre 2011, M. et Mme E… on acquis plusieurs parcelles sur le territoire de la Commune de Menthon-Saint-Bernard, d’une superficie totale de 10 262 m², pour un prix de 4 700 000 euros, sous condition résolutoire de la non approbation par le conseil municipal de la Commune de leur classement en zone constructible.
Le 14 novembre 2011, le PLU de la Commune de Menthon-Saint-Bernard a approuvé son PLU, lequel classait ces terrains en zone constructible.
Entre 2012 et 2013, M. et Mme E.. et la SAS RVO (dont M. E… est l’associé unique), ont acquis plusieurs autres parcelles en vue d’y construire un ensemble de cinq villas.

Deux permis de construire ont été déposés sur ces terrains, mais le Maire de la Commune de Menthon-Saint-Bernard a refusé de les délivrer au motif que, nonobstant le classement en zone constructible, le projet méconnaissait les dispositions de la loi Littoral. En effet, et quand bien même un PLU classerait certaines parcelles en zones constructibles, le Conseil d’Etat a rappelé que la loi Littoral est directement opposable aux autorisations d’urbanisme (CE, 31 mars 2017, n° 392186). Les demandes tendant à l’annulation de ces refus ont été rejetées par un jugement devenu définitif rendu par Tribunal administratif de Grenoble.

Les acquéreurs constatant qu’ils avaient acquis des terrains se révélant totalement inconstructibles au regard de la loi Littoral (principe de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants, ou en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement), ont saisi le Tribunal administratif de Grenoble d’une demande indemnitaire formée à l’encontre de la Commune en raison de l’illégalité fautive résultant de ce classement en zone constructible.

Par jugement du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit aux demandes des requérants et a condamné la commune de Menthon-Saint-Bernard à verser à M. E… la somme de 1 454 704 euros et à la SAS RVO la somme de 150 600 euros en réparation des préjudices qu’ils ont subis du fait de l’illégalité du classement des parcelles litigieuses par le PLU adopté.

Les acquéreurs ainsi que la Commune de Menthon-Saint-Bernard et son assureur ont fait appel de ce jugement. 

Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel de Lyon a retenu, en premier lieu, que la délibération portant approbation du PLU de la Commune de Menthon-Saint-Bernard était entachée d’illégalité, au regard des dispositions des articles L. 146-2 et L. 146-4 du code de l’urbanisme (loi Littorale recodifiée aux articles L. 121-1 à L. 121-51 du code de l’urbanisme), en ce qu’elle classait en zone constructible les parcelles cadastrées formant le terrain d’assiette des demandes de permis de construire déposées par les appelants. Cette illégalité est fautive et est de nature à engager la responsabilité de la Commune.

En deuxième lieu, la Cour vient exonérer de moitié la responsabilité de la Commune en jugeant que les acquéreurs avaient commis des imprudences fautives en faisant l’acquisition des premiers terrains, sous seule réserve de l’approbation du plan local d’urbanisme, qui devait intervenir quelques jours plus tard, et les terrains suivants, sans condition résolutoire de délivrance d’un permis de construire, alors qu’ils ne pouvaient ignorer l’application à ces terrains des dispositions applicables aux communes littorales, dont faisait mention un certificat d’urbanisme informatif délivré le 25 octobre 2011.

En troisième lieu, et concernant la détermination des préjudices la Cour a retenu qu’étaient indemnisables :

  1. « la perte de valeur vénale de ces terrains, correspondant à la différence entre le prix d’acquisition effectif des parcelles et leur valeur une fois leur inconstructibilité totale révélée, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’article L. 105-1 du code de l’urbanisme, dès lors que le préjudice ne trouve pas son origine dans une servitude d’urbanisme » ;
  2. « l’acquittement des intérêts financiers suite à la souscription d’un crédit immobilier en vue de l’acquisition des terrains » ;
  3. « les sommes inutilement exposées pour la réalisation du projet qu’elle pouvait légitimement escompter réaliser en raison du classement des terrains qu’elle avait acquis » (assistance à maitrise d’ouvrage et frais d’architecte)

 

Enfin, et après avoir appliqué un partage de responsabilité à 50/50 en raison des imprudences fautives des acquéreurs, la Cour administrative d’appel de Lyon a condamné la Commune de Menthon-Saint-Bernard à verser à M. E… et à la SAS RVO respectivement les sommes de 2 182 056,50 euros et 391 269,47 euros.

Un zonage irrégulier qui coûte très cher à la Commune !