Par une décision du 15 décembre 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé qu’un refus illégal d’un permis de construire pris par une commune était de nature à engager sa responsabilité, et ce, quand bien même il s’agirait d’un second refus, et bien que ni le premier refus, ni le second refus n’aient été contestés par le pétitionnaire.

Cour administrative d’appel de Lyon, 15 décembre 2020, 19LY00881

 

Dans cette affaire, un promoteur immobilier, représenté par le Cabinet Itinéraires Avocats, avait déposé une demande de permis de construire valant division portant sur la rénovation d’un immeuble existant et la construction d’un nouvel immeuble de treize logements.

Le pétitionnaire a d’abord essuyé un premier refus fondé sur la méconnaissance d’une règle de prospect concernant la division interne envisagée et sur la circonstance que les couleurs retenues dans le projet seraient de nature à porter atteinte au caractère.

Ces irrégularités étant minimes, le pétitionnaire s’est donc rapproché de l’autorité compétente et a déposé un dossier de permis de construire, légèrement modifié, pour répondre à ces motifs de refus.

Toutefois, et alors que le pétitionnaire croyait avoir répondu aux exigences de la collectivité s’agissant de l’intégration paysagère de son projet, cette deuxième demande de permis de construire a été refusée au nouveau motif que le projet en question ne s’intègrerait pas de manière satisfaisante dans son environnement.

Saisi d’un recours indemnitaire fondé sur l’illégalité de cette seconde décision de refus et de ce que cette décision a été la cause directe et immédiate de l’abandon du projet, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que cette décision était illégale mais a rejeté les demandes indemnitaires formulées par le pétitionnaire, en excluant tout lien de causalité entre la faute et les préjudices, au motif que ces préjudices ne résulteraient pas et ne seraient pas liés aux fautes commises par la Commune, en ce qu’ils seraient liés au premier refus de permis de construire.

Il est en effet, de jurisprudence désormais bien établie que toute décision illégale est constitutive d’une faute toute décision illégale est, qui commande la réparation intégrale du préjudice causé (CE Sect., 26 janvier 1973, Ville de Paris, n°84768)

Ce principe constant a été récemment réaffirmé par le Conseil d’Etat qui a jugé qu’ « en principe, toute illégalité commise par l’administration constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain » (CE, 30 janvier 2013, n°339918)

Et il est de jurisprudence constante qu’un refus illégal de permis de construire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur (CE, 27 juin 1934, Rossaza et Yvars).

 

La société pétitionnaire ne pouvant se résoudre à voir constater une illégalité fautive mais voir rejeté ses demandes indemnitaires a donc fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Lyon.

 

Revenant à davantage de pragmatisme, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc retenu que :

« La société pétitionnaire a déposé une nouvelle demande de permis de construire tenant compte des motifs de refus opposés par le maire dans son premier arrêté du 24 mars 2016, comme elle était en droit de le faire. Il ne saurait être induit de la circonstance qu’elle n’a pas attaqué le premier refus de permis de construire qu’elle aurait abandonné son projet de construction dans ses caractéristiques fondamentales. La société requérante est ainsi fondée à faire valoir que les frais d’honoraires d’architecte pour la constitution du dossier de demande de permis de construire, de bureau d’étude technique afférents à l’établissement de la notice énergétique qui doit accompagner cette demande, et de géomètre-expert pour l’établissement d’un plan de bornage du terrain, d’un plan topographique et d’un plan des réseaux, que la société requérante a engagés pour la conception et la mise en œuvre de ce projet, et qui n’intègrent pas l’éventuel surcoût généré par la reprise de son projet initial, ont été engagés en pure perte du fait de l’intervention du refus de permis de construire en litige. La société pétitionnaire est dès lors en droit d’en obtenir le remboursement à hauteur des 34 542 euros justifiés par les factures acquittées versées au dossier de première instance. »

 

En revanche, l’indemnisation du manque à gagner, consécutif à l’abandon de l’opération, n’a pas été retenue dès lors que, sur ce point, le Conseil d’Etat est venue restreindre le champ de l’indemnisation de la perte de chances aux seuls projets dont le pétitionnaire pourrait justifier de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, qui permettraient de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain (CE, 15 avril 2016, Commune de Longueville, N° 371274).

 

En conclusion, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et a condamné la commune à verser à la société pétitionnaire, la somme de 34 542 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision de refus.