Le Tribunal Administratif de Lille a annulé les opérations électorales organisées le 15 mars 2020 dans la commune de Grand-Fort-Philippe, se fondant sur une violation des dispositions des articles L.52-1 et L.52-8 du Code électoral.

Étaient en cause :

  • D’une part, l’organisation d’une cérémonie d’inauguration d’un nouveau quartier encore en construction, n’apparaissant pas justifiée au vu de l’état d’avancement du projet, et qui a été l’occasion, pour le Maire sortant, de tenir des propos à connotation électorale, 
  • Et d’autre part, celle d’un thé dansant, dont l’entrée était, contrairement aux éditions précédentes, gratuite.

Tribunal Administratif de Lille, 23 septembre 2020, Elections municipales et communautaires de Grand-Fort-Philippe, n°2002442, 2002580

Concernant l’inauguration d’un nouveau quartier en construction, 

En l’espèce, au cours du mois de février 2020, la livraison d’une vingtaine de maisons d’un nouveau quartier en construction a donné lieu à une cérémonie d’inauguration organisée par l’investisseur privé de ce projet immobilier. A cette occasion, le Maire sortant, invité par l’organisateur en sa qualité de maire de la commune, s’est exprimé publiquement dans les termes suivants : « En 2014, les autorités refusent que soient construits des logements dans une zone pourtant entourée de maisons. La pugnacité de la Ville et de ses partenaires a payé ».

Alors qu’il n’est pas contesté que le quartier était encore en travaux sur plus de 70 % de sa superficie, cette manifestation publique a ainsi été l’occasion d’une expression politique en relation directe avec la campagne électorale qui témoigne de la volonté particulière d’influencer les électeurs à une date proche du scrutin.

Le juge électoral relève, s’agissant de cet événement, qui n’était pas justifié par l’achèvement d’une étape significative de l’opération immobilière en cause, a été l’occasion d’une expression politique en relation directe avec la campagne électorale, et ce, alors même que le quartier était encore en travaux sur plus de 70 % de sa superficie, ce qui témoigne, selon le jugement, de la volonté particulière d’influencer les électeurs à une date proche du scrutin.

Soulignant que la diffusion de ces propos, qui ont été rapportés dans la presse locale accompagnés d’une photographie de l’événement, n’aurait pas revêtu un caractère restreint, le jugement retient que l’inauguration en litige, relayée par voie de presse, doit être assimilée à une campagne de promotion publicitaire relevant de l’interdiction prévue par les dispositions précitées du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral.

Concernant l’organisation d’un thé dansant, 

En l’espèce, la commune a organisé un thé dansant annuel dont l’entrée était, et ce contrairement à l’usage, cette année, gratuite, comme le mettaient en avant divers documents faisant la publicité de cet évènement. Pour tenter d’échapper à la constatation de la violation du Code électoral, le Maire a essayé, en défense, de démontrer que le thé dansant était organisé par une association privée, et non pas par la commune… Argument qui était contredit par les pièces du dossier et notamment les mentions du prospectus faisant la publicité de cet événement.

Dans ces conditions, le juge électoral, relevant que cette manifestation, organisée à une date proche du scrutin et qui a connu, selon les termes mêmes d’un message public du Maire sortant, publié le 19 février 2020 « une belle affluence », a consisté, d’une part, en une opération destinée à influencer les électeurs et d’autre part, en une libéralité consentie par une personne morale de droit public à la liste conduite par le maire sortant, en violation des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

Constatant l’existence de ces manquements aux dispositions des articles L.52-1 et L.52-8 du Code électoral, le juge considère que ces derniers ont constitué des manœuvres susceptibles, compte tenu de l’écart de dix-sept voix séparant la liste arrivée en tête de la majorité absolue des suffrages exprimés, d’altérer la sincérité du scrutin.

Le juge refuse, cependant,  de prononcer l’inéligibilité du Maire sortant, considérant que les manœuvres en question ne présentent pas un caractère frauduleux au sens des dispositions précitées de l’article L. 118-4 du code électoral.