En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, notamment dans le cas où celui-ci est entaché d’une irrégularité qui pourrait en justifier l’annulation ou la résiliation devant le juge. Une telle annulation ou résiliation ne peut toutefois intervenir que sous réserve des droits à indemnité du cocontractant de l’administration.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2020, n° 430864

La Communauté d’agglomération de Reims métropole avait lancé une procédure de passation pour l’attribution d’un marché public ayant pour objet la fourniture de points lumineux, supports et pièces détachées. Ce marché a été attribué à la société Comptoir Négoce Equipements, avant que celui-ci ne soit résilié unilatéralement en raison de l’irrégularité entachant la procédure de passation du marché.

Saisi d’une demande tendant à la reprise des relations contractuelles, le Tribunal administratif a, dans un premier temps, constaté qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur les conclusions en reprise des relations contractuelles, puis condamné la Communauté urbaine à verser à la société la somme de 172 560,73 euros en réparation des préjudices subis. Saisie en appel, la Cour va annuler le jugement du tribunal en tant qu’il a condamné la Communauté urbaine du Grand Reims à indemniser la société. La société Comptoir Négoce Equipements s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

La Haute juridiction va classiquement rappeler, en premier lieu, qu’en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. 

Elle va, en second lieu, préciser les modalités d’une telle résiliation intervenant dans le cas d’un contrat entaché d’une irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation. Dans ce cas:

1° « La personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge. »

2° Après une telle résiliation unilatéralement décidée pour ce motif par la personne publique, « le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, pour la période postérieure à la date d’effet de la résiliation, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. »

3° Enfin, « Si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Saisi d’une demande d’indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat va annuler en majorité la décision de la Cour et renvoyer l’affaire devant la CAA de Nancy en considérant que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en déduisant que l’irrégularité justifiait la résiliation du contrat en litige par la Communauté d’agglomération, sans rechercher si cette irrégularité pouvait être invoquée par la personne publique, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles et si elle était d’une gravité telle que, s’il avait été saisi, le juge du contrat aurait pu prononcer l’annulation ou la résiliation du marché en litige, et dans l’affirmative, sans définir le montant de l’indemnité due à la société requérante.